« Le vigneron co-créateur »

La vigne est au cœur de la Bible, le Christ en est le cep et nous les sarments. Y a-t-il quelque chose de sacré dans les vendanges que vous vivez ces jours-ci ? Béatrice Drécourt : La vigne est très présente dans la Bible. Elle illustre deux dimensions fondamentales : d’un côté, puisqu’elle est plantée par Dieu, la vigne représente le don, la grâce, l’amour de Dieu ; de l’autre, elle demande le travail de l’homme, elle représente donc la réponse humaine, l’engagement personnel et le fruit des œuvres justes. Un vigneron est forcément serviteur du Seigneur même s’il n’en a pas conscience. Le métier de vigneron est un métier complet : de la terre à la bouteille. Il a la mission de cocréer, d’accompagner la création vers son acheminement. Le Seigneur lui a confié sa création et il doit en prendre soin afin de rendre ce cadeau inestimable qu’il lui a fait. L’homme et la nature ont besoin l’un de l’autre, cette interdépendance et cette complémentarité voulues par Dieu nous font entrer dans le mystère de la vie. Le vin est plus que biblique, il est liturgique, il est « le fruit de la vigne et du travail des hommes ». Le vin est-il divin ? Dans le Nouveau Testament, le Christ est la vraie vigne dont le sang constitue le vin de la Nouvelle Alliance. Sous l’écorce coule la sève, abondante et riche, elle est l’image de sa nature divine, remplie du flot de vie divine qu’il se partage dans l’intimité de l’Amour avec son Père et l’Esprit Saint. La devise du vigneron peut-elle être la même que celle du bénédictin, ora et labora ? Quand je suis dans les vignes, je me sens comme à l’adoration, je suis au cœur de la création et donc constamment auprès du Christ. Non seulement la création est belle, mais en plus vous pouvez la voir, l’écouter, la sentir, la toucher et la goûter ! Ces cinq sens sont un cadeau exceptionnel que Dieu nous a donnés. De plus le Seigneur nous donne la grâce de pouvoir louer sa création ! Le travail de la terre est physiquement et moralement difficile, il exige la vérité, l’humilité et la patience. Et en même temps, il vous fait sentir la présence de Dieu. La vigne a besoin du sol qui l’enracine et du ciel qui l’ensoleille. Dans un sol rocheux et difficile, elle ira chercher sa nourriture plus en profondeur. En est-il de même pour nous ? Oui, il faut être enraciné et parfois, il faut aussi descendre bas pour que les racines se réveillent ! Notre vie spirituelle, tout comme la vigne, a besoin d’être accompagnée, guidée, émondée pour se tourner vers le haut, vers la lumière et porter de beaux fruits. Le Seigneur est le vigneron qui est là, qui veille et qui nous accompagne. Notre époque aspire à un retour à la nature au risque parfois de se détourner de Dieu. La nature peut-elle être un chemin vers le Seigneur ? Elle l’est. Qui que nous soyons, le Seigneur nous invite à contempler sa création, à nous émerveiller devant tant de beauté, simplement dans la prière et l’action de grâces. Parfois en effet, la foi est rejetée, mais la nature aussi par le non-respect de ses lois qui nous offrent l’harmonie. Pourtant la nature nous ramène à Dieu. En nous rapprochant de la création, nous nous rapprochons du Seigneur et inversement. Si nous revenons à l’émerveillement simple et vrai face à la nature, nous nous ouvrirons au mystère de Dieu. La France est par tradition un pays de vin, peut-on retrouver l’âme de la France en parcourant tous ses vignobles ? Oui, c’est sûr et certain ! La France est un pays de vin et surtout une terre chrétienne. Qu’on le veuille ou non, la France est la Fille aînée de l’Église. En parcourant les vignobles, je pense qu’il y a de beaux projets missionnaires à réaliser autour de la contemplation des vignes et la dégustation du vin, car le vin, c’est le Christ ! Le vin, fruit de la vigne et du travail des hommes, Béatrice Drécourt, Pierre Téqui éditeur, 9,90 €.

 

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