Le vaudou et ses ensorcellements - France Catholique
Edit Template
« Ô Marie conçue sans péché »
Edit Template

Le vaudou et ses ensorcellements

Copier le lien
« Truquer la balance » par Leslie Thrasher, 1936, pour le Saturday Evening Post.

« Truquer la balance » par Leslie Thrasher, 1936, pour le Saturday Evening Post.

George Orwell, l’écrivain, et Josef Pieper, le philosophe catholique, venaient d’horizons fort différents. Ils avaient des opinions très différentes. Mais tous deux partageaient un vif intérêt quant à l’usage et l’abus du langage. La raison en était simple. Les mots ont du pouvoir. Les mots ont de l’importance. Considérez ceci :

La Déclaration d’Indépendance statue que « tous les hommes sont créés égaux ». Pour les Américains, l’égalité est un mot sacré. Nous révérons ce mot en dépit du fait que, en réalité, nous ne sommes pas égaux car nul d’entre nous n’est identique à un autre. Nous avons des dons, des intelligences, des déficiences et des caractères différents. Nos vies ne nous procurent pas non plus un bonheur ou un succès identique ; aucune société ne peut le garantir en restant libre. Chacun de nous est unique, impossible à rééditer, et aimé par Dieu de manière unique. Nous sommes de ce fait inévitablement inégaux. Cependant, l’idéal d’égalité politique correctement compris – égalité de droits naturels et de dignité donnée par un Créateur et égalité devant la loi – fonde l’expérience américaine. Et cela a une immense valeur pratique, produisant la plus grande république démocratique de l’histoire.

Mais les mots et leur signification peuvent être des créatures instables. Ces dernières années, « l’égalité » comme vocable de notre vocabulaire politique a entrepris une étrange chirurgie « trans ». Le résultat en est ce délicieux nouveau mot « équité ». Les deux mots sonnent un peu pareil. Et ils partagent un ADN commun. Tous deux dérivent de la racine latine aequus signifiant plat ou niveau. Mais équité et égalité ne sont pas la même chose, pas plus que « liberté de religion » et « liberté de culte » ne sont la même chose. Les différences peuvent paraître minimes, mais elles grandissent à mesure que les deux concepts divergent.

Egalité suggère similitude, comme dans le même accès au vote, aux services et aux opportunités. C’est habituellement mesurable par des critères matériels tels que le revenu, le taux de pauvreté, les statistiques criminelles, les études. Equité est un mot plus ambigu. Il implique plus clairement un devoir, un sens accru du bien et du mal et de l’urgence de faire quelque chose à ce sujet. L’équité insiste pour que les ressources soient dirigées, ou redirigées, pour compenser les injustices causées par des inégalités passées. Que sont ces injustices et ces inégalités, pourquoi existent-elles, comment les corriger, voilà matières ouvertes à la controverse et au jugement. Donc équité est, dans les faits, un terme ecclésiastique, chargé de tension morale, et il n’y a rien de mal dans ces sortes de mots… pourvu qu’ils restent aux mains des bons ecclésiastiques. Le problème est que le « clergé », dans notre culture sécularisée post-chrétienne, est notre classe dominante complaisamment progressiste et sa classe support de shamans de sciences sociales et de prêcheurs des médias.

En pratique, « équité » fait partie d’un groupement de mots magiques. Le reste du groupe – des mots tels que diversité, inclusion et tolérance – partage une même ambiguïté moralisatrice, quoique la tolérance ait été vue pour la dernière fois s’éloignant en boitillant dans le coucher de soleil. Elle est maintenant morte d’épuisement. Ironiquement, chacun des mots magiques, pris individuellement et correctement compris, a du sens. Nous sommes une nation d’immigrants. La tolérance, la diversité et l’inclusion sont des simples constats du fait américain. Elles sont souvent briguées imparfaitement, mais elles ont toujours fait partie de la vie de notre pays.

Mais la tolérance ne sert plus à rien dans la guerre culturelle contre les ennemis du progrès, notamment ces croyances chrétiennes rétrogrades concernant la sexualité. Après tout, pourquoi tolérer les intolérants ? Et dans les mains des missionnaires des lumières de notre époque, la diversité signifie une célébration de la différence et de la fracture, aggravant les divisions selon des critères de race, de préférence sexuelle et d’ethnies, qui n’améliore pas mais au contraire aggrave le conflit social. L’inclusion signifie forcer des familles et des communautés religieuses à accepter des comportements qu’elles trouvent moralement destructeurs. Tout cela crée de l’agitation, rencontre de la résistance et donc requiert davantage d’autorité centralisée coercitive pour accomplir la tâche.

Beaucoup de gens sains d’esprit le ressentent. Ils saisissent comme il se doit les avertissements de Josef Pieper déclarant que « si la parole se corrompt, l’existence humaine n’en sortira pas indemne » et que « le langage, déconnecté des racines de la vérité… tourne immanquablement en instrument de pouvoir ». En effet, comme Pieper le note encore plus brutalement, les mots deviennent « un instrument de viol ». Mais trop de gens sensés hésitent à parler car ils craignent d’être catalogués sans cœur, stupides ou réactionnaires. Ils se sentent impuissants à faire reculer tout cela.

Et pour une bonne raison. Prêchés par les apôtres actuels du changement urgent, chantés ensuite sans fin partout, des blogs de mode aux reportages grand public en passant par les publicités pour les chaussures de sport, ces mots magiques infectent notre langage comme un vaudou hypnotique. Les masses somnambules peuvent alors glisser vers un avenir radieux, au-delà des batailles vulgaires de la logique et du débat – débarrassées de l’un et de l’autre et lavées du scepticisme.

Et c’est exactement le but des mots.

Le langage façonne la pensée. La pensée façonne les choix et les actions. Les choix et les actions façonnent et refaçonnent le monde. Dans ce sens, les mots magiques d’aujourd’hui sont les parents lointains de la « novlangue », ce langage dystopique d’Orwell. Son but, disait Orwell, « n’était pas seulement de procurer un moyen d’expression pour la vision du monde et les habitudes mentales propres aux dévots » d’une idéologie particulière, « mais également de rendre impossible tout autre mode de pensée ».

Cela semble-t-il un peu trop sombre pour un pays avec tant de braves gens et de si profondes ressources pour un renouveau ? Peut-être. Puisse-t-il en être ainsi. De toute façon, nous le saurons bien assez tôt. Les menteurs s’en sortent très bien pour le moment dans la vie publique de notre pays – tous ces « dévots » catholiques membres du Congrès qui sacralisent une procédure d’avortement permissive tiennent sûrement le haut de la liste – et les mensonges ont l’habitude de grandir et de s’étendre comme une tumeur jusqu’à ce que les gens les nomment et leur résistent. Il est donc utile de se rappeler que « les lèvres menteuses sont une abomination pour le Seigneur mais ceux qui agissent loyalement font Ses délices » (Proverbes 12:22).

La vertu dont nous avons besoin pour le moment est le courage. Comme l’a dit Saint Paul, nous sommes appelés à dire la vérité avec amour (Éphésiens 4:15). Avec amour. Mais il est nécessaire que nous disions la vérité… et exigions des autres qu’ils fassent de même.