Le père Thomas Rosica, qui est porte-parole du Saint-Siège, a déclaré que l’Église se devait d’employer de nouvelles formes de langage à l’égard des homosexuels : « Ils sont nos fils et filles et frères et sœurs et voisins et collègues. » Comment ne pas adhérer à cette volonté qui consiste d’abord à ne pas blesser et à respecter ? C’est beaucoup plus que de la tolérance. Il ne s’agit pas de tolérer, il s’agit d’aimer. Reconnaissons qu’il y a des difficultés sérieuses dans le climat de notre société. Car, si les choses ont beaucoup bougé, notamment à la suite de la tragédie du SIDA qui a touché en premier lieu les milieux homosexuels, le débat public s’est parfois tendu à l’extrême. Avec notamment le réflexe qui consiste à faire entrer systématiquement le contradicteur du mariage gay dans ce que Philippe Muray appelait « la cage aux phobes ».
Mais on n’a peut-être pas suffisamment remarqué que La Manif pour tous, qui est souvent incriminée pour homophobie a été précisément l’occasion de bannir toute hostilité personnelle ou collective. Ce n’était pas seulement pour prévenir les éventuels dérapages de quelques excités, c’était pour affirmer tranquillement une conviction. Non seulement la haine n’était pas admise, mais elle était combattue fermement. Certes, cela ne réglait pas tous les problèmes, loin de là. Mais c’était quand même une étape décisive.
Par ailleurs, j’ai souvent exprimé le sentiment que la tragédie du SIDA avait provoqué dans les milieux directement atteints des formes de dévouements qui allaient jusqu’à l’héroïsme, avec notamment l’accompagnement des mourants jusqu’au bout de leur calvaire. Je me souviens d’une amie journaliste à Radio Notre-Dame, devenue depuis religieuse contemplative, qui m’avait raconté, bouleversée, une soirée de prière à Saint-Eustache, où une assemblée en pleurs avait confié sa peine et sa détresse devant l’hécatombe de la maladie. Il faut reconnaître cela, et il m’est arrivé de rendre hommage à certaines figures qui s’étaient distinguées dans cette lutte. Encore une fois, cela n’efface pas les difficultés, mais cela nous oblige à envisager nos relations dans un esprit vraiment renouvelé.