Le travail humain de nos jours - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Le travail humain de nos jours

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Le Labor Day est cette année inhabituellement morose. Ce n’est pas seulement dû au fort taux de chômage ou à une économie languissante. C’est notre état d’esprit national. Robert Frost a écrit que, historiquement, nous avons dû nous donner à fond :

« Pour l’Ouest vaguement réalisable mais encore non entré dans l’histoire, ignorant, sauvage, tel qu’il était, tel qu’il pouvait devenir. »

Qui ressent encore ça de nos jours en Amérique ?

Notre journée du travail se fête en septembre, et non le premier mai, comme dans la plupart des pays parce que les travailleurs américains étaient peu influencés par le marxisme. Comme je l’ai mentionné dans ces colonnes (NDT : le 6 septembre 2009), c’est l’exemple américain qui a contribué à convaincre le pape Léon XIII, alors qu’il écrivait l’encyclique Rerum Novarum, la première encyclique sociale moderne, qu’une organisation syndicale n’était pas obligatoirement socialiste ou anti-chrétienne. Tout au contraire, durant la Guerre Froide, les leaders syndicaux ont participé à la lutte pour défendre les travailleurs exploités par les communistes.

Tout cela semble bien loin maintenant. Les vieilles batailles idéologiques ont changé. Même le long clivage américain entre le capital et le travail est moins net qu’il ne l’était il y a seulement quelques années.

Le monde des affaires n’est plus — s’il l’a jamais été — une voix crédible pour la liberté économique. Les grandes entreprises comprennent que faire pression sur le gouvernement s’avère payant.

Les vieux réflexes syndicalistes ne servent pas toujours. Les syndicats ont soutenu le président Obama et l’Obamacare en 2012. Pourtant Richard Trumka, président de l’AFL-CIO (un leader syndicaliste chrétien à l’ancienne mode) a récemment admis que le plan de protection santé hâtivement concocté a provoqué une réduction d’horaires pour les travailleurs et freiné la création de nouveaux emplois.

Par ailleurs, même dans les nations centralisées et fières de l’être comme la France, les syndicats et les progressistes sociaux, loin de favoriser de nouveaux programmes, sont des conservateurs déterminés dans le sens où ils s’accrochent aux avantages acquis d’un modèle utopique qui n’est plus viable.

Comme Jean-Paul II dans Centesemus Annus, beaucoup d’entre nous voudraient renouveler la compréhension de la subsidiarité. Même si des interventions de l’Etat et des programmes de secours sont parfois nécessaires à l’heure actuelle, là où c’est possible :

« De telles interventions, qui sont justifiées par des raisons impérieuses touchant au bien commun, doivent être aussi brèves que possible, afin d’éviter la mise à l’écart permanente de la société et du système économique de fonctions qui leur appartiennent en propre, et aussi pour éviter d’élargir excessivement la sphère d’intervention de l’Etat au détriment de la liberté économique et de la liberté civile. » (paragraphe 48)

Comparez cela aux chiffres américains : en Amérique, la moitié de la population reçoit du gouvernement des chèques d’une sorte ou d’une autre. Nous avons besoin de penser une nouvelle collaboration entre l’État, les institutions intermédiaires et les personnes, non seulement pour assurer le bien-être social, mais aussi la dignité humaine.

Les problèmes sociaux sont notoirement complexes, spécialement depuis qu’ils sont régulièrement obscurcis par l’esprit politique partisan. Fort heureusement, un aperçu bref et bien conçu de la pensée sociale catholique vient d’apparaître, écrit par Maciej Zieba : Papal Economics : The Catholic Church on Democratic Capitalism, from Rerum Novarum to Caritas in Veritate (L’économie papale : l’Église catholique sur le sujet du capitalisme démocratique, de Rerum Novarum à Caritas in Veritate).

Le frère Zieba est un dominicain polonais qui était proche du pape Jean-Paul II. Physicien diplômé, il rédigeait le bulletin de liaison du syndicat polonais Solidarnosc, à la grande époqe de sa lutte contre le communisme, quand il redécouvrait sa Foi et sa vocation.

Son exposé clair et bien équilibré voit la pensée sociale catholique moderne comme accueillant les libertés démocratiques et les marchés, avec des conditions catholiques importantes bien sûr. Rerum Novarum (1891) et Quadragesimo Anno (1931) étaient réalistes quant à la nature humaine et à un ordre social adéquat et donnaient place à des notions telles que la concurrence, l’entreprenariat et le profit – ce que beaucoup croient contraire à la tradition catholique.

Des textes ultérieurs, tels Mater et Magistra (1961), il le reconnaît, ont un peu dérivé vers l’étatisme et les perspectives internationalistes. Mais frère Zieba, épluchant cette encyclique de Jean XXIII démontre qu’elle est plus équilibrée qu’on ne le pense généralement :

« Il doit être établi dès le commencement que dans la sphère économique la première place doit être donnée à l’initiative individuelle des citoyens, travaillant seuls ou en s’associant de différentes manières pour la poursuite des intérêts communs. » (paragraphe 51)

Centesimus Annus (1991) équilibre mieux la théorie et la pratique parce que Jean-Paul II a puisé dans un siècle de pensée et d’expérience tant de l’Est que de l’Ouest.

La pensée sociale catholique moderne est tout à la fois précieuse et frustrante. Il est facile de voir la valeur de ses distinctions soigneuses concernant les personnes, l’initiative, la subsidiarité, la solidarité, choses souvent absentes de la vie nationale. Mais ces principes généraux doivent s’incarner, ainsi que les papes n’ont cessé de le répéter – ordinairement par les soins des laics – et le passage de la théorie à la pratique est rarement facile.

A notre époque, le vieux débat entre le communisme et le capitalisme s’est estompé. Mais nous sommes entrés dans une nouvelle phase de l’économie de marché. Dans les contrées les plus développées, les industries lourdes ne redeviendront plus les piliers économiques. Le capital inclut maintenant le capital humain, d’une façon qui n’a pas été correctement évaluée. De nombreux travailleurs qui ne semblent pas adaptés aux nouvelles données économiques restent sur le carreau ou sont sous-payés, même quand l’économie globale est plus florissante qu’actuellement.

Cela nous ramène à d’autres traits importants de la pensée sociale catholique, spécialement l’importance de la famille pour éduquer les enfants aux vertus nécessaires à la vie en société, y compris dans la dimension économique. Et aussi la contribution cruciale des écoles : à côté des défaillances de familles, il n’y a pas de plus grand scandale dans la société américaine que la faillite des établissements d’enseignement public vis-à-vis des nécessiteux, surtout dans les centre-ville.

Malgré les déclarations contraires, ce n’est pas d’abord un manque de ressources. Le district de Washington dépense plus par étudiant que tout autre juridiction du pays et il reste embourbé dans l’incompétence et la corruption – et la nécessité de composer avec la situation familiale des étudiants, ce qui semble rendre l’apprentissage du savoir plus difficile que jamais.

Le jour du Labor Day, il n’est que juste d’être reconnaissant pour les contributions des générations passées, qui nous ont menés où nous sommes. Un des moyens d’exprimer cette gratitude est de réfléchir à comment nous pouvons répondre aux nouveaux défis, par certains côtés d’une ampleur sans précédent.
A notre époque, c’est sans doute le travail le plus important que nous ayons à réaliser.


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/human-work-today.html

Robert Royal est le rédacteur en chef de The Catholic Thing.

illustration : couverture du livre de Maciej Zieba