Beaucoup de gens supposent qu’une société « progressiste » dans ses opinions morales serait naturellement « progressiste » dans son économie, que quelqu’un croyant en une distribution équitable des biens serait également une personne croyant en plus de permissivité dans les comportements.
Je ne nie pas cette perception, mais la réalité est souvent l’inverse de ce que semblent supposer les jeunes progressistes. Ceux qui souhaitent garantir des buts tels qu’une distribution plus équitable des richesses en économie et un plus grand respect de l’environnement demandent une auto-discipline considérable, telle que nous ne demandons pas habituellement aux gens dans une culture au train de vie libertin.
Vous pensez qu’il n’est pas raisonnable de demander à un homme de discipliner son appétit sexuel mais ensuite vous pensez éminemment raisonnable d’exiger de lui de modérer son appétit pour l’argent, le statut social et le pouvoir ?
Il est étrange de dire : « vous n’avez pas besoin de vous discipliner pour rester fidèle à votre épouse et vos enfants » et ensuite exiger que chacun soit responsable envers toute l’humanité en recyclant ses flaconnages plastiques. Si un homme ne peut pas discipliner suffisamment ses appétits pour rester fidèle à ses propres enfants et à l’épouse à laquelle il a juré fidélité à vie devant Dieu, qu’est-ce qui fait imaginer qu’il se disciplinerait suffisamment pour rester fidèle aux générations d’après sa mort ? Il ne devrait pas être surprenant alors que, dans la mesure où les sociétés deviennent plus « progressistes » au plan moral, elles accumulent progressivement davantage de dettes à payer pour les générations futures.
Le soutien des « progressistes » permissifs dans le domaine de la morale personnelle est simplement une variante de l’individualisme indépendant qu’ils souhaitent combattre dans le domaine économique. Et chaque affaiblissement des liens sociaux de la société, tout spécialement ceux développés dans les liens altruistes du mariage et de la famille, aboutit à une réduction du capital social nécessaire pour garantir que les gens continueront à vouloir partager abondamment avec les autres sans crainte de devenir indigents eux-mêmes.
Quand les gens bâtissent de plus hauts niveaux de confiance sociale, ils veulent davantage partager. Quand ils craignent que même leurs relations les plus proches ne soient basées sur rien de plus que le plaisir ou l’épanouissement personnel de l’autre, leur bonne volonté disparaît et les gens deviennent auto-protecteurs. Quand cela arrive, le seul moyen d’assurer un minimum de forme de coopération est un contrôle gouvernemental coercitif. Est-ce vraiment désirable ?
Si vous ne voulez pas que le gouvernement s’immisce dans votre vie privée, cela vous surprend-il vraiment de découvrir que le gars d’à côté ne veut pas que le gouvernement s’immisce dans ses décisions d’affaires ? Si vous voulez user du pouvoir coercitif du gouvernement pour forcer un médecin à pratiquer un avortement, cela vous surprendra-t-il vraiment de découvrir que votre bailleur est impatient d’utiliser le pouvoir coercitif du gouvernement afin de vous expulser pour n’avoir pas payé votre loyer ?
De la même manière, si vous soutenez que le gouvernement n’a pas à vous dire combien payer vos employés et que vous voulez utiliser le pouvoir coercitif du gouvernement pour favoriser votre entreprise, ne soyez pas surpris si les « progressistes » résistent à l’intrusion du gouvernement pour les choses qu’ils aiment et l’encouragent pour les choses qu’ils n’aiment pas.
Dans une culture ou la liberté signifie principalement être libre de toute contrainte, libre de faire tout ce qu’on choisit et non libre de se dévouer au bien et au bien-être des autres, il devient rapidement clair pour les jeunes que la liberté qui leur est « vendue » chaque jour par les élites culturelles – la liberté de se créer soi-même, la liberté de se créer une identité par les articles de consommation, la liberté de rechercher ce qui est excitant et de vivre comme les célébrités dans les publicités – coûte de l’argent, beaucoup d’argent.
La vie à New-York pour qui se la joue artiste est coûteuse. Les McMansion (NDT : type d’habitat ostentatoire) et les écoles préparatoires de luxe sont coûteuses. Des études ont montré que plus d’un quart des gens gagnant plus de 100 000 dollars par an disent « qu’ils s’en sortent tout juste » et n’ont pas les moyens de satisfaire leurs besoins élémentaires. La liberté de se créer soi-même coûte cher : le train de vie des célébrités n’est pas bon marché.
Los Angeles et New-York peuvent bien regorger d’électeurs pour les causes socialistes, elles sont loin d’être des exemples moraux d’égalité des salaires. Des gens qui vivent dans des maisons et appartements coûteux et dépensent dans les bars et les clubs mais veulent que le gouvernement « fasse plus pour les pauvres » ont très peu de crédibilité.
Quittez votre appartement coûteux de New-York, vivez dans une ville modeste et dans un quartier ordinaire, envoyez vos gamins dans les écoles publiques locales ou une école catholique modeste qui soit réellement au service des pauvres et vous pourrez avoir quelque crédit. Autrement, vous n’êtes qu’un poseur. Vous ne pouvez pas dire : « vous autres, renoncez aux choses grossières que vous appréciez pendant que je garde les plaisirs sophistiqués que j’aime ».
Ceux qui adoptent le mode de vie libéral ne seront jamais capables de garantir la justice sociale s’ils portent leur souci pour la justice sociale comme les scribes et les Pharisiens avaient coutume de porter leurs vêtements religieux : comme une marque de leur contentement de soi. « Ils agrandissent leurs phylactères et allongent leurs cordelières », « tous leurs actes sont faits pour être vus des hommes », « quand ils envisagent de donner aux nécessiteux, ils font sonner de la trompe pour que les autres les respectent ». […]
Trop d’Américains, qu’ils se proclament libéraux ou conservateurs, croient que ce qui rendra sa grandeur à l’Amérique est que les individus puissent choisir leur propre idée du bien, indépendamment des réclamations ou des besoins des autres, et ensuite l’obtiennent – comme un droit dissocié de toute obligation envers les autres ou envers le bien commun.
Les « conservateurs ‘laissez-faire’ » comme les « progressistes » sont les uns comme les autres appelés à prendre conscience que l’Amérique ne sera « grande » que lorsque nous pourrons faire nôtres les prières ignorées et trop peu chantées de « America the Beautiful » :
Amérique ! Amérique !
Que Dieu corrige toutes tes fautes
Affermisse ton âme dans la maîtrise de soi
Ta liberté en droit !
Amérique ! Amérique !
Puisse Dieu raffiner ton or
Jusqu’à ce que tous tes succès soient nobles
Et chaque gain divin !
Amérique ! Amérique !
Que Dieu t’envoie sa grâce
Jusqu’à ce qu’il ne reste plus de gain égoïste
Pour entacher la bannière de la liberté !