J’ai tenté hier d’écluser ma messagerie arachnéenne. Encore trop fatigué. Encore trop de toux (et trop de plaintes stupides). Enfin le rhume s’estompe. Alléluia.
Ce matin j’ouvre ma boîte de réception : l’horreur même après six jours sans allumer l’ordinateur. On dirait que la planète entière déverse ses surplus devant moi. S’il y a bien quelque chose qui est inacceptable mais que nous sommes obligés de supporter, c’est le vol systématique qui est fait de nos carnets d’adresses. Tout ce qui est politique veut m’attirer. Tout ce qui fabrique et tout ce qui vend cherche à me soutirer mes économies. Tout ce qui est spectacle veut m’entraîner. Tout ce qui est immonde veut me tenter. Il faut se frayer un passage à travers ces détritus, envoyer paître tout ce monde d’artifices et de propositions dont je n’ai rien à faire. « Rien à cirer », Madame Cresson !
Dans ce fatras de messages nuls, me bouleverse qui s’affiche sur mon écran une information venue d’Italie en passant par le Québec : arrivée sur ma messagerie de ce matin, jour de la saint Sylvestre, ce que j’apprends est atterrant en même temps que je n’en suis pas étonné. L’auteur de l’article n’est autre que Vittorio Messori, et l’intermédiaire québécois un autre journaliste, Raymond Beaugrand-Champagne, longtemps collaborateur de Radio-Canada. Son titre de gloire pour moi est qu’il n’a jamais cessé de rendre compte de l’actualité de la sindonologie, science du Linceul de Turin.
Que dit Messori ? Qu’en 2011, plus de 100.000 chrétiens ont été « tués » dans le monde parce que chrétiens ! Qu’en 2012, ils ont été au moins 5.000 de plus !
« Lors d’une conférence internationale qu’en 2011 organisa la Communauté européenne à Budapest, le sociologue Massimo Introvigne indiqua que chaque année plus de 100.000 chrétiens de toutes confessions étaient dans le monde assassinés à cause de leur foi. Massimo Introvigne avait pris la parole non seulement en tant que représentant italien de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) mais aussi en tant qu’expert des plus influents. Il est le fondateur-directeur du Centre d’études sur les nouvelles religions (CESNUR) et a publié nombre d’études scientifiques. »
Quels grands ou gras médias français nous en a informés ? Quel journaliste occupant les « étranges lucarnes » s’est dérangé pour bâtir un sujet complet sur ces événements à répétition ?
Bien entendu, les propos d’Introvigne furent contestés : dans l’imaginaire actuel de notre monde occidental, les chrétiens ne peuvent être que des coupables, non des victimes ! Le scientifique fit valoir ses sources, irréfutables, et qui démontrèrent que, par prudence, il en était resté à des approximations sous-évaluées alors que d’autres études donnent des chiffres plus élevés. Dans sa conclusion, et pour l’édification de ceux qui ne pouvaient « croire » en de tels nombres, Massimo Introvigne fit valoir que de tels doutes ne l’étonnaient pas : « En ces réactions de refus, il y a une leçon à dégager : le fait d’une persécution si abondante des chrétiens est à ce point sous-estimée, si même citée avec exactitude et dans son horreur, qu’elle semble purement et simplement incroyable à nombre d’Européens et d’Américains ».
Interrogé par Radio Vatican, lors de la fête de saint Étienne, dont les Actes des Apôtres rapportent la lapidation à mort opérée par les Juifs de Jérusalem indignés par son témoignage de foi en la Résurrection du Christ, le sociologue rappela qu’au cours de l’année écoulée, s’il y eut un nouveau martyr parmi nous toutes les cinq minutes, il ne fallait pas omettre le fait, affirmé par les études plus sérieuses, que dix pour cent des chrétiens dans le monde, soit deux cent millions de personnes, ont aujourd’hui à souffrir dans leur existence à cause de leur foi, notre foi ! Sur ces deux cents millions, il nous faut vraisemblablement compter entre 100 et 130 millions de catholiques, puisque ces derniers sont près d’un milliard trois cent millions…
Il est dit que c’est principalement en Asie et en Afrique que ces monstruosités se déroulent : mais ni les Amériques, du Nord comme du Sud, ni les pays d’Europe, du Sud comme du Nord, ne sont pas exempts de pratiques condamnables mais assumées sans détours : car si l’on n’y tue qu’au compte-gouttes on y méprise, on y rejette, on souille des églises, on casse des tombes, on y accuse contre toute vérité, on y exploite sans vergogne le péché d’un homme pour en faire porter le poids sur toute l’Église ! Et quand il s’agit d’un prêtre qui sombre, on lui inflige double et triple peines dans les médias, au moment de son procès et une ou plusieurs années plus tard, afin de mieux discréditer jusqu’aux prêtres les plus purs ! Afin de pousser de jeunes chrétiens, devant les foules de téléspectateurs, à renier leur foi, à devenir des apostats ! J’ai vu cela, jusqu’au dégoût.
Souvenons-nous des événements sanglants qui nous ont été rapportés sur des sites modestes mais vigilants, événements vécus en de nombreux pays – Nigéria, Pakistan, Congo Kinshasa, Indonésie, Irak, Viet Nam, Chine, Mongolie, Syrie, Égypte, Afghanistan… Souvenons-nous de ces musulmans, dans les pays d’islam, désireux de se convertir au Christ et qui furent ou sont traînés dans la boue, insultés, mis au banc de leur famille, frappés durement, poursuivis, enfin assassinés. Souvenons des témoignages hallucinants de Joseph Fadelle, venu d’Irak, et de Madame Metwalli, venue d’Égypte, dont les livres sont à la fois si explicites en même temps que trop peu divulgués ! Quelle chaîne de grande écoute s’est emparée de ces « sujets » ? Aucune. On nous sort en permanence toutes sortes de « grands reportages », mais aucun « grand reporter » n’a trouvé utile de traiter le massacre de 105.000 chrétiens en 2012, pas plus d’ailleurs des 100.000 de 2010 et des 100.000 de 2011…
Les persécutions vont bien au-delà des seuls assassinats : le martyre est reçu aussi bien dans la mort violente que dans le quotidien ordinaire. Le mépris, les insultes, les insinuations, les mises à l’écart, les coups parfois ou souvent… l’imagination des bourreaux est sans limites et la complicité des États sans frontières. Car il va de soi que tous les gouvernements occidentaux sont informés avec précision. Qu’ils connaissent toute l’étendue de ces violences, qu’elles se traduisent par la mort ou non : nous sommes tous habilités de ce fait à les interroger, à les interpeller, à leur demander compte de leur lâcheté, de leur silence, de leur complicité.
Dominique Daguet
PS. : 15 chrétiens ont été égorgés par des islamistes au cours d’une attaque survenue vendredi à Musari, un village du nord-est du Nigeria, proche de la base du groupe islamiste Boko Haram.