Pour comprendre notre temps et ce qui nous tombe sur le dos, nous avons donc besoin de cette distance de la pensée qui appartient aux philosophes, en raison même de la gratuité de leur discipline qui ne se rapporte pas directement à une utilité.Mais ne nous faut-il pas aller plus loin pour tenter de pénétrer jusqu’au mystère profond de notre existence ? Et de ce point de vue, pour aller vite, nous franchisons cette distance supplémentaire qu’exige la théologie et la mystique. Tout de même, que faisons-nous sur terre ? Tout cela a-t-il un sens ? Jean Guitton expliquait un jour au président François Mitterrand que ce qui le distinguait de Sartre, c’est que ce dernier avait opté pour l’absurde et que lui avait choisi le mystère. Mais ce mystère ne consistait pas en la seule interrogation propre à une sagesse ou à une gnose initiatrice. Il se référait à la réponse de la foi, en ce qu’elle apporte à l’intelligence.
C’est la démarche d’un Augustin d’Hippone dans ses Confessions : « Tu nous a fait pour Toi et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il repose en Toi. » J’y réfléchissais ces jours-ci. Comment rendre sensible à cette dimension-là ? Et puis l’événement est venu à mon secours, avec la superbe émission de Stéphane Bern, lundi soir, sur Thérèse de l’Enfant Jésus. Nous n’étions pas dans le discours proprement dit, même si le discours doit intervenir à un moment ou à un autre. Pour ceux qui voudront comprendre le secret de Thérèse il faudra absolument lire son Histoire d’une âme. Mais le récit de sa vie, à l’aide des images que nous avons vues lundi, est en soi assez saisissant pour nous introduire à notre propre énigme intérieure. La pure gratuité de cette vie, uniquement vouée à la recherche de son Seigneur, nous ouvre à cet espace immense où Dieu nous invite à respirer à l’approche des profondeurs de la Trinité.
Nos tentatives dialectiques et rhétoriques n’égaleront jamais la puissance de rayonnement de la petite carmélite de Lisieux. C’est bien pourquoi cette émission, qui lui était consacrée au sein de l’épreuve que nous subissons est un véritable cadeau du Ciel. Il a d’ailleurs été accueilli avec reconnaissance par un immense auditoire. Thérèse, championne de l’audimat c’est sans doute le plus étrange et le plus beau des paradoxes d’aujourd’hui.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 6 mai 2020.
L’émission, Thérèse, la petite sainte de Lisieux, est disponible en ligne jusqu’au 3 juin 2020.