Il y a quelques semaines déjà, Henrik Lindell m’apprenait l’entrée en soins palliatifs de Jean Mercier, son collègue de La Vie, en le recommandant à mes prières. Comment n’aurais-je pas été touché d’apprendre que Jean était sur le point de nous quitter, après un long combat de plusieurs années contre la maladie ? J’avais la plus grande estime pour lui, à tous les points de vue, car il était plus qu’un modèle de probité intellectuelle, un chrétien d’une rare profondeur, dont la recherche spirituelle et théologique était de premier ordre. Le déclic de ma découverte de ce confrère étonnant fut la lecture d’un article dans La Vie, où il démontait magistralement la série produite par la chaîne Arte sur la Bible. Je lui téléphonais sur le champ pour le féliciter et lui dire ma gratitude pour le service signalé qu’il venait de rendre à tous ceux qui avaient été désorientés par la rhétorique spécieuse de cette déconstruction des textes. Il accueillit mon appel comme s’il l’attendait depuis longtemps.
Car notre accord décisif signifiait que le violent désaccord que j’avais exprimé en 1996 dans mon livre Pourquoi veut-on tuer l’Église ? à l’encontre de certaines positions de La Vie, n’avait plus de raison d’être. Nous étions entièrement solidaires sur l’essentiel, et ce fut pour moi l’occasion de découvrir l’itinéraire singulier de ce journaliste qui, de catholique était devenu protestant, pour redevenir plus que jamais catholique. Il a raconté lui-même pourquoi, à l’âge de 28 ans, il avait rompu avec l’Église de son baptême à cause du tandem Wojtyla-Ratzinger et qu’il y était revenu à cause du même tandem. Croyant trouver dans l’Église réformée la liberté qu’il pensait brimée dans l’Église romaine, il s’était rendu compte, en dépit de cours d’exégèse précieux, que le libéralisme théologique finissait par détruire la règle de la foi. Et c’est pourquoi il était revenu au tandem Wojtyla-Ratzinger, s’expliquant dans une formule lapidaire : « Ces hommes ont permis à l’Église de redevenir vraiment catholique. » En effet, la dépression post-concilliaire avait produit des dégâts considérables avec « une désorientation dogmatique, chacun se faisant son credo à la carte ».
Un des sujets que Jean Mercier eut à traiter par la suite, avec le plus d’acuité, fut celui du sacerdoce ministériel associé au célibat. On peut dire qu’il le défendit comme la prunelle de ses yeux, persuadé qu’il s’agissait d’une « réalité mystique » inscrite au cœur de l’économie du Salut. Il reprenait, les uns après les autres, tous les motifs d’abandon de ce que, de son côté, le cardinal Lustiger avait appelé « un choix spirituel » d’une valeur inestimable. Pour Jean Mercier, il s’agissait d’un enjeu sacramentel lié à la vitalité de la foi. Cher Jean, nous ne te remercierons jamais assez pour tout ce que tu nous as apporté dans ta vocation d’informateur religieux, dont tu nous auras rappelé toutes les normes. À sa famille et à la rédaction de La Vie, l’expression de notre proximité à l’occasion de son « enciellement ».
Pour aller plus loin :
- Débat parlementaire du 19 novembre sur l'Euthanasie
- Jean-Paul Hyvernat
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?