Par son laxisme « judiciaire », Mme la ministre de la Justice de l’Etat-PS Christiane Taubira passe allègrement les bornes, et dans les grandes largeurs : c’est ce que pense le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, et il n’est pas le seul. S’il était directement chargé de la police de la route politique du gouvernement, M. Valls dresserait immédiatement une série de contraventions à sa collègue de la Place Vendôme pour conduite dangereuse, dépassement sans visibilité, grillage de stops et de feux rouges, absence de freinage et dérapages incontrôlés. Sans compter les effets collatéraux sur les victimes des délinquants, les délinquants pour lesquels Mme Taubira éprouve manifestement une étrange indulgence, à moins qu’elle n’ait la vue troublée par une redoutable – et coupable – ivresse idéologique…
Le projet de réforme pénale de Mme Taubira envisage en particulier la suppression des « peines-planchers », quitte à laisser les chiffres des crimes et délits crever le plafond, et à faire passer le ministère de la Justice pour une sorte de ministère de la Délinquance nationale. Après les émeutes de Trappes et les scandaleux pillages commis à Brétigny sur des victimes du déraillement ferroviaire du mois dernier, on sent comme un malaise dans la police et dans l’opinion. Le ministre de l’Intérieur l’a probablement perçu. Mais sa collègue de la Justice, elle, semble imperméable à ces tristes réalités.
Résultat des courses, si on peut dire, on apprend par voie de presse que le ministre de l’Intérieur, en charge de la sécurité publique, a fini par perdre patience après des mois de frictions avec sa collègue théoriquement chargée de la Justice. Fin juillet, il a envoyé une lettre au Président de la République, un certain François Hollande, pour lui demander d’exercer ses fonctions de chef d’Etat par un arbitrage entre les deux politiques ministérielles visiblement divergentes. Au prix d’une « clarification de nos orientations politiques », écrit M. Valls.
En toute logique, la Police et la Justice devraient être dirigées par des ministres qui coopèrent dans la cohérence et dans l’entraide mutuelle, pour le bien commun de la société. Hélas, le tandem Valls-Taubira fonctionne à s’y méprendre comme la célèbre voiture de Laurel et Hardy : ces deux comiques américains avaient imaginé d’y installer deux volants, l’un à droite et l’autre à gauche, histoire de faire rire des spectateurs: le résultat inévitable et irrésistible était que tôt ou tard, le véhicule se cassait en deux à un carrefour, faute d’accord sur la direction à prendre.
L’ennui est que M. Valls et Mme Taubira ne sont pas chargés de monter un spectacle hilarant pour distraire le public de l’été, mais bel et bien de gouverner notre pays. Manuel Valls semble en être tout à fait conscient. Mais pas Christiane Taubira, dont l’ignorance des réalités fait décidément penser davantage à un invraisemblable carnaval qu’à une politique responsable. Le « Président normal » saura-t-il tirer de cette situation funambulesque les conclusions qui s’imposent ?