Le synode : un moment de vérité pour la collégialité - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Le synode : un moment de vérité pour la collégialité

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Aux yeux de ceux qu’on pourrait qualifier de stratèges du catholicisme progressiste, le Synode des évêques qui doit se tenir à Rome ce mois d’octobre et celui qui aura lieu l’an prochain font figure de moments de vérité. Bien que le sujet des débats des deux synodes soit le mariage et la famille, selon ces stratèges, le véritable enjeu en est l’avenir de la collégialité en tant que principe fondamental de la gouvernance de l’Eglise.

C’est un virage important par rapport à la priorité antérieure qui était la question de la communion pour les catholiques divorcés et remariés dont le premier mariage n’avait pas été annulé. Ce sujet est toujours à l’ordre du jour, mais quels que soient les débats des assemblées à cet égard et les conclusions qu’en tirera le pape François dans son document post-synodal, la question centrale pour ces progressistes est à présent très différente : « La véritable pierre de touche sera le synode lui-même ».

Tels sont les termes mêmes du père jésuite John W. O’Malley, professeur de théologie à Georgetown University et auteur de l’ouvrage What Happened at Vatican II. Dans son article du numéro du 6 septembre de The Tablet, un journal progressiste de Londres, il explique : « Dans cette perspective, ce que le synode qui va débuter et celui de l’année prochaine… décideront est moins important que la manière dont ils procèderont… Ces deux synodes seront peut-être la dernière occasion de rétablir la collégialité au sein de l’Eglise et d’obtenir que le partage de l’autorité avec le pape devienne un modus operandi généralisé ».

La position exprimée par John Wilkins, ancien rédacteur de The Tablet, dans Commonweal est du même ordre. Mais Wilkins va plus loin. Il conçoit les synodes comme des moyens d’offrir un rôle beaucoup plus étendu à l’opinion publique – que Wilkins, par extension, assimile au sensus fidelium – dans l’orientation de l’Eglise.

Reste à voir si les synodes représenteront le tournant décisif que le père O’Malley, Wilkins et ceux qui partagent leur point de vue envisagent. Mais leur conviction même semble indiquer qu’il s’impose de repenser le concept de collégialité et de s’interroger sur l’intérêt qu’y portent les catholiques progressistes.

Dans l’usage courant, la collégialité au sein de l’Eglise désigne le partage du pouvoir généralisé mais de façon appropriée, du niveau de la paroisse jusqu’aux échelons les plus élevés de la hiérarchie. Le terme collégialité au sens technique est plus spécifique. Le Concile Vatican II a considéré que le principe collégial s’exprimait dans l’ancienne pratique épiscopale de la réunion de « conciles où l’on décidait en commun de toutes les questions les plus importantes par une décision que l’avis de l’ensemble permettait d’équilibrer », et a invité à la relancer à présent.

Mais, s’est hâté d’ajouter le Concile, « le collège ou corps épiscopal… n’a d’autorité que si on l’entend comme uni au Pontife romain », et le Pontife romain a sur l’Eglise « un pouvoir plénier, suprême et universel qu’il peut toujours exercer librement. » (Lumen Gentium, 22). C’est ainsi que Vatican II a réaffirmé la décision définitive de Vatican I sur la primauté papale.

Dans l’idéal, primauté pontificale et collégialité ne sont pas incompatibles. Mais le défi consiste maintenant, comme toujours, à traduire l’idéal dans la réalité. D’où l’instauration du synode des évêques.

Comme le racontent les progressistes, Vatican II voulait que le synode soit la principale institution de gouvernement collégial, les évêques oeuvrant avec le pape dans la prise de décisions pour l’Eglise universelle. Mais les papes Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI ont contrecarré la volonté du Concile et transformé les synodes en aimables causeries. C’est une grossière exagération, mais avec un fondement de vérité suffisant pour susciter une forte demande de changement.

Mais quel type de changement ? Une mesure simple et constructive de la part des papes serait d’assigner aux synodes des sujets sur lesquels les pontifes souhaiteraient réellement un avis, puis d’adopter cet avis s’il est fondé. Par contre, se lancer tête baissée dans une innovation structurelle radicale pourrait avoir des conséquences désastreuses, de même que faire de l’opinion publique la norme de l’enseignement de l’Eglise dans des questions comme la sexualité et le mariage.

Dans un compte rendu rédigé sur plusieurs ouvrages en faveur de la collégialité il y a quelques années, dans le vif du débat, le regretté cardinal Avery Dulles (S.J.) a exposé un argument important : « Avant d’exiger que le synode des évêques ait voix délibérative, on devrait soigneusement considérer le champ d’application obligatoire de ses décrets. L’Eglise veut-elle vraiment être légalement liée par le vote majoritaire d’une assemblée de quelques évêques réunie à la hâte ? »

Il convient aussi de prendre en compte la différence entre collégialité et décentralisation. La collégialité implique que les évêques participent à la gouvernance de l’Eglise universelle. La décentralisation concerne l’autonomie des églises locales. Mais ces deux concepts sont souvent contre toute logique fusionnés par des gens résolus à affaiblir l’autorité pontificale – et qui se fichent de la cohérence.

Il est vrai, comme le signale le père O’Malley, que dans l’Eglise du premier millénaire le processus de prise de décisions était plus dispersé que maintenant. Mais pourquoi ?

Cette structure résultait-elle d’une conception de la nature intrinsèquement collégiale de la gouvernance de l’Eglise remontant aux temps apostoliques ? Ou n’était-ce qu’une nécessité imposée par les conditions mêmes d’une époque où les messages mettaient des semaines à atteindre leur destination et la prise de décisions ne pouvait avoir lieu que sur place ? Dans un cas comme dans l’autre, la reconnaissance du fait que l’Evêque de Rome devait approuver et confirmer d’importantes décisions locales témoigne du rôle indispensable de la primauté en ce temps-là déjà ; tandis que le changement technologique et la mondialisation semblent indiquer qu’une trop grande décentralisation pourrait imposer à l’Eglise des modes de prise de décisions ne tenant pas compte de ces nouvelles données.

C’est bien dans le contexte de cette pagaille conceptuelle que, tout en prônant la collégialité, le pape François procède souvent de manière peu collégiale, comme par exemple, en réorganisant unilatéralement la conférence des évêques d’Italie et en donnant à une Argentine mariée à un divorcé le droit de recevoir la communion, sans passer par l’évêque local.

Les gens qui ont penchant pour l’ironie apprécieront le fait que le champion actuel de la collégialité est un pape charismatique qui n’hésite pas à faire usage de la primauté pontificale. Cela ne vous rappelle personne ?


http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/the-synod-moment-of-truth-for-collegiality.html


Russell Shaw est l’auteur de Papal Primacy in the Third Millenium (2000). Son ouvrage le plus récent est American Church: The Remarkable Rise, Meteoric Fall and Uncertain Future of Catholicism in America (2013).