A peine achevée sa première étape, période encore préparatoire, le Synode de l’Eglise catholique sur la famille traverse une zone de turbulences : des voix divergentes, voire centrifuges, s’élèvent pour contester certaines remarques du compte-rendu des premières discussions. Alors qu’on en n’est encore qu’au début des travaux de ce grand rendez-vous international qui ne doit s’achever qu’à l’automne… de l’année 2015, c’est-à-dire dans un an, plusieurs responsables ecclésiaux, et parmi eux des prélats haut placés, manifestent une réelle inquiétude. Et beaucoup de demandes de modifications du rapport d’étape sont exprimées. Sont mises en cause tout particulièrement des déclarations sur les couples non mariés, la question difficile des divorcés remariés, et le problème de l’attitude des chrétiens devant les comportements homosexuels. Certains regrettent que le mot « péché » soit trop peu utilisé… D’autres demandent qu’on insiste plus sur le rôle des grands-parents et de la femme dans la transmission de la foi et des valeurs familiales. Ou bien sur la perspective missionnaire où les familles peuvent être placées.
Face à ce trouble, le directeur de la communication du Saint-Siège, le Jésuite Federico Lombardi, a constaté avec regret qu’on attribue à tort au texte incriminé « une valeur qui ne correspond pas à sa nature »… Bizarre, voilà une erreur d’interprétation qui ressemble à celles qui avaient suivi les premières « annonces » qui avaient suivi les sessions du concile Vatican II. Y aurait-il une précipitation imprudente se traduisant par des jugements trop hâtifs et des mises en garde prématurées ? Ou bien un souci trop envahissant de prudence doctrinale qui entraverait le nouveau projet pastoral de l’Eglise ? Ne convient-il pas d’attendre encore un peu avant de croiser le fer dans des polémiques peu fécondes ? Ne faut-il pas éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain, même s’il y a un trop-plein d’écume irréaliste çà et là… ? Comme l’a dit le Pape François, ne faut-il pas chercher à percevoir « les signes des temps », en évitant de rester « trop enfermés dans un système » ? Et, en se distanciant d’une lettre restée légaliste et formaliste, rester ouvert à l’esprit du « Dieu des surprises » ici évoqué et invoqué ?
En dehors des soudaines controverses, fait assez nouveau, le texte mis en cause comporte aussi des déclarations novatrices et précieuses sur des thèmes brûlants comme les graves conséquences de la misère et de la grande pauvreté ou d’immenses inégalités sociales sur la vie des familles à travers le monde. Et de cela, à l’échelle d’un catholicisme de plus en plus internationalisé, et que le Pape François veut plus sensible aux « périphéries existentielles » dans un but d’efficacité apostolique, on ne peut que se réjouir. En entrant davantage encore dans l’Espérance, comme l’avait souhaité Jean-Paul II, avec prudence mais sans peur.
Pour aller plus loin :
- Modéré à l’extérieur, radical à l’intérieur (toujours à propos du Synode sur la famille)
- 8 mars 2014 : le Grenelle de la famille a dévoilé ses conclusions à la Mutualité
- Le cuit, le cru, et le synode entre les deux
- Fillon garde le cap avec ses « sourcils broussailleux »
- A propos de mes précédents articles sur le synode