Vendredi, le cardinal Gerhard Mueller – ancien chef de la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF)- a publié un second commentaire sur le synode de l’Amazonie, qui doit se tenir à Rome en Octobre. Ce document fait suite à une critique antérieure de sa part, les deux textes foudroyant la nature radicale de ce qui est en grande partie considéré comme un paradigme allemand non seulement pour les forêts vierges d’Amérique du sud, mais pour toute l’Eglise.
Le bon cardinal commence par noter quelque chose dont on a abondamment parlé, mais que l’on n’a pas suffisamment apprécié : L’Eglise en Allemagne a perdu plus de 215000 membres en 2018, en plus de départs semblables au cours des années précédentes. La réponse à cette crise n’a pas été – comme cela avait été le cas lors de semblables périodes de troubles dans l’Eglise (par exemple lors de la contre-réforme) – de renouer avec l’enseignement de l’Evangile, avec encore plus d’énergie. Au lieu de cela, l’Eglise d’Allemagne a choisi de se « séculariser » en acceptant beaucoup de choses de notre monde post-moderne, post-vérité qui n’ont jamais fait partie du catholicisme.
On pouvait prédire le résultat. Beaucoup de gens en ont conclu qu’ils n’avaient pas vraiment besoin de cette Eglise allemande sécularisée, supposée être plus attrayante, puisqu’ils pouvaient déjà recevoir la plus grande partie de ce qu’elle proposait, sans se préoccuper de la messe, de la confession, de la communion, de la monogamie, de l’oubli de soi, de la charité, etc…
Pire encore : de nombreux catholiques allemands croient maintenant que l’Eglise n’est pas le corps mystique du Christ, communion qui persiste à travers les siècles, choisie par Dieu, comme Il avait choisi auparavant le peuple juif, pour réaliser sa « propre révélation ».
En d’autres termes, l’Eglise – dans une perspective vraiment catholique – n’est pas comme un parti politique ou un club que l’on rejoint ou quitte à volonté quand on n’aime pas les positions qu’il prend. L’Eglise est littéralement une « institution divine », une réalité créée pour nous assurer d’où provient le vrai chemin du salut.
Le synode sur l’Amazonie aurait pu être une opportunité pour nous rappeler cela, et pour nous inspirer de nouveaux moyens de transmettre la Bonne Nouvelle à un pays qui n’a pas été totalement évangélisé.
Au lieu de cela, l’Amazonie est utilisée comme un intermédiaire pour avancer ce qui, les chefs catholiques allemands l’espèrent, fera ressusciter une Eglise franchement mourante. Le cardinal Mueller n’en est pas convaincu.
Si l’Eglise devait essayer de se trouver une légitimité face à un monde déchristianisé, d’une façon laïque, comme l’expression religieuse naturelle d’un lobby du mouvement écologique, ou essayer de se présenter comme une agence qui aide les migrants en leur donnant de l’argent – elle perdrait encore plus son identité de Sacrement universel en Jésus Christ, et elle ne recevrait absolument pas cette reconnaissance tellement désirée de la part du grand courant vert de l’aile gauche.
L’Instrumentum laboris (IL –« Document de travail ») pour le Synode aurait pu rendre clair – au peuple de l’Amazonie aussi bien qu’au monde entier –que le catholicisme croit aux paroles mêmes du Christ. « Je suis le chemin, la vérité, la vie. Nul ne peut venir au Père sinon par moi ». (Jn XIV 6)
Ceci, bien sûr, est de nos jours « offensif » comme ça l’a été quand cela a été dit pour la première fois. Mais c’est le point essentiel. Si certains théologiens allemands sont si troublés par l’impérialisme culturel, et « ethnocide », qu’ils ne peuvent pas clairement affirmer ce point, ils risquent de travailler dans la mauvaise direction.
Parce qu’il n’est pas difficile de reconnaître, comme l’ont fait les missionnaires par le passé, -comme un pas préliminaire vers une tâche plus grande, – que Dieu a été au travail dans toutes les cultures, bien avant la venue de l’Evangile.
Le respect que l’on doit témoigner aux autres et à ce qu’ils chérissent, n’a toutefois jamais été considéré comme une raison d’édulcorer ce que proclament les chrétiens. Au contraire, cela a été un moyen de montrer comment ce qui était bon parmi les juifs, les grecs, les romains, et maintenant les amazoniens, pouvait trouver son accomplissement total.
On peut trouver quelques paroles de pure forme en ce sens, dans le texte décousu de l’ IL , mais tellement diluées que leur lecture fait plutôt l’effet de quelque chose qui a été produit par une agence de développement de L’ONU – et non par une Eglise évangélisatrice.
On pourrait même penser que les chrétiens doivent maintenant regarder une des « nations » vers laquelle ils ont été envoyés comme ayant une meilleure vision de Dieu, de la création et des relations humaines, que nous.
Par exemple, -comme on peut s’y attendre – on décrit les Amazoniens comme dépourvus de visions ou d’idées valables. En revanche, « il est nécessaire de saisir ce que l’Esprit du Seigneur a enseigné à ces peuples au cours des siècles : la foi en un Dieu créateur Père et Mère. » Un Dieu créateur Père et Mère ? Cela revient à bénir une « foi » différente.
Et cela ne s’arrête pas là. L’Amazonie est décrite comme « un lieu théologique où la foi est vécue, et aussi une source particulière de la révélation de Dieu : Des lieux épiphaniques où la réserve de vie et de sagesse pour la planète est manifeste, une vie et une sagesse qui parle de Dieu. »
Vatican II déclarait – en ligne constante avec l’enseignement de l’Eglise – que nous n’attendons pas d’autre révélation depuis la fin du Nouveau Testament. Alors, est-ce que ce désir de louer les peuples indigènes et l’Amazonie prend le pas même sur Vatican II ?
Dans son plus récent commentaire, le cardinal Mueller a des paroles particulièrement dures pour les évêques qui parlent de renoncer au « pouvoir ».
D’abord, la forme de « pouvoir » qu’ils souhaitent abandonner est quelque chose qu’il vaudrait mieux qu’ils n’aient jamais eue; et l’autorité spirituelle qu’ils ont reçue du Christ lors de leur sacre, ils ne peuvent pas y renoncer, car ce n’est pas leur propriété personnelle dont ils pourraient envisager de disposer.
Il parle de relations de pouvoir idéologisées dans un monde développé, plutôt que d’un pouvoir et d’une autorité de service, qui est l’idée des chrétiens.
Beaucoup de gens ont remarqué les problèmes que posent les propositions de IL, sur la question d’ordonner des hommes mariés « viri probati » et de distribuer pouvoir et autorité à des femmes. Mais cette abdication d’un vrai pouvoir et d’une vraie autorité envahit véritablement tout le travail.
Curieusement, Notre Dame de Guadeloupe, la femme qui a montré un pouvoir indéniable, et qui a été le canal de la conversion d’un continent entier, – quelque chose qui n’a pas de précédent dans l’histoire du christianisme – n’est pas mentionnée. Mais ce n’est peut-être pas surprenant puisque son Fils, lui aussi, est à peine présent.
29 juillet 2019
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/07/29/the-amazon-synod-that-could-have-been/