Que le président français et la chancelière allemande se soient retrouvés à Reims pour commémorer le cinquantième anniversaire de la rencontre qui avait scellé la réconciliation franco-allemande, réjouit tous ceux qui apprécient les symboles les plus significatifs des relations entre les peuples. Ce n’était pas au hasard que Charles de Gaulle et Konrad Adenauer avaient porté leur choix sur la ville du sacre de nos rois. Le Général l’a consigné dans ses Mémoires d’espoir : Reims est « le symbole de nos anciennes traditions, mais aussi le théâtre de maints affrontements des ennemis héréditaires depuis les anciennes invasions germaniques jusqu’aux batailles de la Marne. À la cathédrale, dont toutes les blessures ne sont pas encore guéries, le premier Français et le premier Allemand unissent leur prière pour que, des deux côtés du Rhin, les œuvres de l’amitié remplacent pour toujours les malheurs de la guerre ».
Il faut noter que cette mention explicite de « l’union des prières » est exceptionnelle de la part du Général, qui, dans ses gestes publics, entendait respecter le caractère laïque de sa fonction. C’est ainsi qu’il ne communia que très exceptionnellement aux messes auxquelles il assista en tant que chef de l’État. On doit donc convenir que le fondateur de la Ve République considérait qu’il y avait quelque chose de tout à fait particulier dans cette réconciliation de deux peuples qui s’étaient si cruellement combattus, et que cela justifiait une démarche religieuse. Il est vrai que Charles de Gaulle et Konrad Adenauer communiaient dans une foi catholique fervente.
Certes, François Hollande et Angela Merkel n’ont pas renouvelé exactement le geste d’il y a cinquante ans. Ils n’ont pas assisté à la messe. Ils ont toutefois écouté le final de la Passion selon saint Jean de Jean-Sébastien Bach. Mgr Thierry Jordan, qui les accueillait dans sa cathédrale, a spécifié que ce choral évoquait la Résurrection, la sortie de la mort. On ne pouvait mieux signifier que les peuples vivent aussi des signes qui renvoient au sens ultime de la vie et à ce qui se joue dans les profondeurs de l’Histoire.