Nos lecteurs savent que j’ai amorcé avec Jean-Pierre Denis un débat sur le style propre au pape François. Là où je discernais une continuité de fond avec les pontificats précédents, le directeur de La Vie envisageait d’ores et déjà une véritable rupture qui aurait des conséquences sérieuses sur les choix pastoraux de l’Église. Or, un entretien du pape avec le journaliste Eugenio Scalfari est venu depuis troubler quelque peu les esprits à propos de ses intentions, à tel point que Jean Mercier qui dirige le service religieux de l’hebdomadaire de Jean-Pierre Denis, s’interroge longuement sur ce qu’il appelle un « malaise dans la communication ». Les papes précédents ne nous auraient pas habitué à s’exprimer si spontanément face à des interlocuteurs comme Scalfari. L’entretien publié par La Reppublica n’a, par ailleurs, pas été relu par François, qui a fait totalement confiance au journaliste.
Dans une telle situation, on est en droit de s’interroger sur l’autorité d’une telle intervention qui ne s’inscrit nullement dans les modes codifiés de la parole de l’évêque de Rome. Jean Mercier insiste à juste raison sur le style « casuistique » de François, en cela fidèle à une certaine tradition jésuite, qui se rapporte à un mode de persuasion d’un interlocuteur particulier. D’évidence, nous sommes loin de l’enseignement d’une encyclique, où le Pape s’exprime comme détenteur du magistère de l’Église. Certains regrettent cette liberté que s’accorde le nouveau pape de parler comme en marge de sa propre autorité canonique. Mais Jean-Paul II et Benoît XVI avaient déjà eu recours à des livres personnels où ils s’exprimaient à titre individuel, en adoptant un ton beaucoup plus libre.
Il s’agit donc de faire preuve de discernement. Toutes les interventions ne sont pas à mettre sur le même plan. Une interview n’est pas une encyclique. Une intervention personnelle n’est pas une mise au point doctrinale. Le Pape, en tant que pasteur, peut jouer sur différents registres. Au bout du compte, chacun saura retrouver le fond irréfragable de l’enseignement de l’Église, en ce qu’Elle offre à croire et à espérer afin de mieux connaître et aimer Dieu et son prochain. Le pape François sait converser avec un athée, donc un étranger à la foi, mais il a la conviction du successeur de Pierre en charge du dépôt fondamental confié par le Christ à son Église.
Pour aller plus loin :
- Un regard américain
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Jean-Paul Hyvernat