Pour les cent premiers jours du pontificat de François, mes confrères s’interrogent. Décidément cet homme intrigue, on a de la peine à le faire entrer dans les catégories idéologiques habituelles. Progressiste, conservateur ? Progressiste dans l’ordre politique, économique, social ? Peut-être, mais ni plus ni moins que ses prédécesseurs. Conservateur dans l’ordre doctrinal, mais on pouvait le prévoir. D’ailleurs ces mots ont-il un sens ? François est catholique, ça c’est sûr, et il serait peut-être même du genre intransigeant, ne pouvant admettre que le message de l’Évangile soit affadi ou trahi de quelque façon. Il n’a pas peur de parler de Satan ! Dès sa première homélie, il a parlé du diable en citant notre compatriote Léon Bloy. Pour cerner plus sérieusement sa personnalité singulière, il vaut mieux s’intéresser à son style propre, qui est bien autre chose qu’une allure superficielle, parce qu’il renvoie à ses convictions les mieux enracinées et à sa façon de vivre profondément sa foi.
C’est le grand théologien Urs von Balthasar qui s’est beaucoup intéressé à cette notion de style, qui, pour lui, définissait l’expression des grands génies du christianisme, depuis saint Irénée de Lyon jusqu’à Charles Péguy. Dans le cas de notre pape François, le style est aussi solidaire d’une expression littéraire, qui est celle de l’homélie, du commentaire familier et direct des textes de la messe du jour. Jean-Paul II et Benoît XVI demeuraient des professeurs dans leur prédication, lui est complètement pasteur, de plain-pied avec son auditoire, s’évadant volontiers de son texte écrit, pour improviser, interpeller les fidèles sur une tonalité plus particulière, plus chaude, plus persuasive. Il veut toucher les cœurs, obliger à réagir, ne serait-ce qu’en lançant des formules chocs.
Hier, c’était la révolution ! « Aujourd’hui, un chrétien, s’il n’est pas révolutionnaire, n’est pas chrétien » a-t-il lancé. Mais attention, le seul révolutionnaire à ses yeux est Jésus Christ, parce qu’il est venu changer le cœur de l’homme, alors qu’en général on ne cherche qu’à bouleverser les structures. La vraie révolution c’est celle qui change profondément la vie. Et de citer son prédécesseur Benoît XVI, parlant de « la plus grande mutation de l’humanité ». Oui, il y a un style François, et ce style, c’est l’homme et c’est le pape !
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 19 juin 2013.