J’apprends, grâce à la chronique littéraire de Bernard Pivot dans Le Journal du dimanche, la parution d’une biographie de l’écrivain Simon Leys1. C’est vraiment une très bonne nouvelle, d’autant que le biographe s’appelle Pierre Boncenne dont les liens personnels avec l’auteur des Habits neufs du président Mao indique une connaissance en profondeur d’un homme remarquable à tous égards. Avec son livre sur Mao, Simon Leys a définitivement cassé la légende dorée d’un tyran sanguinaire qui avait réussi à subjuguer une bonne part de l’intelligentsia occidentale, et en particulier parisienne. Mais il fallut du temps pour que la vérité s’impose enfin. Pivot rappelle un affrontement mémorable sur la plateau de sa célèbre émission Apostrophes entre Simon Leys et Maria Antonietta Macciocchi, l’exemple type de l’intoxication par ce que Raymond Aron avait appelé l’opium des intellectuels.
J’ai des souvenirs assez précis de cette communiste italienne convertie au maoïsme. Je la revois notamment au début du Centre Pompidou, au moment même où commençait la désintoxication de notre intelligentsia, sous l’influence magistrale de Soljenitsyne. Mais la dernière fois que je la rencontrai c’était à Rimini sur les bords de l’Adriatique, au rassemblement estival organisé par Communion et Libération. L’ancienne maoïste s’était muée en admiratrice de Jean-Paul II, en qui elle saluait notamment un défenseur du génie des femmes. Paix à son âme ! Mais ce bref rappel permet peut-être de comprendre pourquoi les vrais penseurs ou les vrais prophètes ne sont pas reconnus sur le moment. Simon Leys avait pour lui une connaissance approfondie de la culture chinoise et avait perçu très vite la réalité tragique du système maoïste. C’était aussi un Européen, Belge d’origine, bien qu’il ait passé la majeure partie de sa vie en Australie comme professeur de lettres. J’ai lu quelques uns de ses livres sur la littérature française et anglaise. Il était grand connaisseur de l’œuvre de George Orwell. Ses livres, c’est un vrai plaisir pour l’esprit. Je vais donc m’emparer, toutes affaires cessantes, de sa biographie par Pierre Boncenne !