M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Claude Leteurtre. Ma question s’adresse à M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Le 5 juillet dernier, au nom du groupe Nouveau Centre, je vous ai interrogé à propos de la situation de Mme Asia Bibi. Cette jeune femme pakistanaise a été condamnée à mort au nom de la loi sur le blasphème pour s’être affirmée chrétienne lors d’un incident avec d’autres femmes musulmanes. Depuis, elle est enfermée à l’isolement dans une prison de son pays. Cette mère de famille de trois enfants ne peut voir son mari que tous les quinze jours pendant un quart d’heure.
Rappelons que le ministre des affaires interreligieuses et le Gouverneur du Penjab, qui avaient pris position contre la loi sur le blasphème, ont été assassinés.
À l’approche de l’hiver, il faut mesurer la précarité de la situation d’Asia Bibi, victime de mauvais traitements répétés, et l’on doit craindre pour sa vie.
Elle a fait appel de son jugement, mais la cour n’a pas encore déclaré recevable cet appel. À l’opposé, le meurtrier de l’ancien ministre des relations interreligieuses a, lui aussi, fait appel de sa condamnation à mort, appel aussitôt déclaré recevable. Le contraste est saisissant : il y a vraiment deux poids, deux mesures.
Monsieur le ministre d’État, un nouvel ambassadeur de notre pays va prendre son poste au Pakistan. Saisissons cette occasion pour rappeler à ce grand pays les règles du droit international et les traités qu’il a acceptés et signés. Mme Asia Bibi et sa famille comptent sur la France. La patrie des droits de l’homme a le devoir de ne pas les abandonner. (Applaudissements sur divers bancs.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député, la France est particulièrement soucieuse du sort de Mme Asia Bibi.
D’abord, nous considérons que l’existence même du délit de blasphème porte gravement atteinte aux libertés fondamentales. Le Pakistan a d’ailleurs ratifié le pacte international relatif aux droits civils et politiques, vous l’avez rappelé, et un tel engagement international n’est pas compatible avec le maintien du délit de blasphème dans le corpus juridique pakistanais.
Ensuite, nous ne pouvons qu’être heurtés par l’application de la peine de mort. Partout sur la planète, nous luttons contre cette peine de mort dont nous considérons qu’aucun acte ne saurait la justifier.
Face à l’intolérable, nous nous sommes mobilisés. En présentant ses vœux aux autorités religieuses, le 7 janvier dernier, le Président de la République a dénoncé cette condamnation dans des termes très fermes. Le ministère des affaires étrangères s’est aussi engagé. J’ai personnellement exprimé la vive préoccupation des autorités françaises lors de mon entretien avec le Premier ministre pakistanais, le 3 mai dernier. J’ai rencontré, fin septembre, le conseiller du Premier ministre pour les minorités, qui est le frère du ministre des minorités religieuses assassiné. Le ministère a également reçu l’époux et la fille d’Asia Bibi à la fin du mois de juillet.
Au niveau européen, notre pays a soutenu, dès l’annonce de la condamnation, le principe d’une intervention de la Délégation de l’Union européenne à Islamabad. Au mois de juillet, une nouvelle démarche a été effectuée auprès des autorités pakistanaises.
Enfin, notre nouvel ambassadeur, dont vous avez signalé la présence au Pakistan, M. Philippe Thiébaud, a reçu l’instruction de renouveler ces démarches. Nous poursuivons nos efforts et nous les poursuivrons aussi longtemps que cette affaire n’aura pas trouvé une issue favorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120027.asp#P128_5288