Une question se pose après les élections européennes, ce n’est pas la seule mais elle taraude beaucoup d’esprits. Le score très décevant obtenu par François-Xavier Bellamy, candidat des Républicains, s’explique-t-il par les positions du philosophe dans le domaine sociétal ? C’est l’opinion du directeur de Libération, Laurent Joffrin, trop heureux de signifier l’échec de ceux qui sont les adversaires du gauchisme culturel dont son quotidien demeure un des principaux vecteurs. Mais cette opinion est également partagée par des responsables de Républicains qui ne craignent pas de déclarer leur hostilité à la ligne Bellamy. Ainsi Geoffroy Didier, partisan résolu de la PMA pour toutes, cogne sec dans Le Journal du dimanche : « Je vais me battre pour obliger la droite à s’ouvrir, à ne pas se rabougrir et à renoncer au sectarisme. Je veux une droite qui vive avec son temps. L’avenir de la droite, ce n’est pas d’être contre l’IVG. La droite prisonnière de ce carcan fait 8 %. »
Tiens donc ! Geoffroy Didier est-il sûr qu’une droite acquise aux réformes dites sociétales ferait des miracles ? Aurait-il fait mieux que François-Xavier Bellamy en se battant pour la PMA élargie et le suicide assisté ? Et s’il avait fait pire ? L’hypothèse n’est nullement inimaginable. Pour plusieurs raisons, la première étant que ceux qui donnent la priorité aux dites réformes sociétales choisissent d’abord les formations de gauche. La seconde raison se rapporte au départ massif de l’électorat dit conservateur de la droite traditionnelle pour rejoindre la République en marche. Ce qui le motive n’a rien à voir avec le sociétal mais se rapporte au fait que c’est Emmanuel Macron qui incarne aujourd’hui l’option libérale en économie et l’ordre dans la rue.
Par ailleurs, la droite traditionnelle est aussi victime du grand déclassement de la classe moyenne française et des transformations sociales qui lui sont liées. Car elle n’a pas à se battre seulement sur le front de la concurrence macroniste, elle doit affronter aussi le Rassemblement national qui coalise les révoltes de la France périphérique. La grosse erreur serait de croire que la question sociale n’existe plus, elle se repose en termes nouveaux et c’est elle qui détermine la moitié de l’électorat à refuser les partis dits de gouvernement. Il ne faut pas faire d’erreur d’analyse. Cela ne veut pas dire que les problèmes sociétaux sont secondaires. Mais c’est une autre affaire.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 17 juin 2019.