Après le jubilé… la route de l’Église. En choisissant de suivre les pas de saint Paul depuis le chemin de Damas jusqu’aux routes missionnaires où s’inscrit l’étape si importante d’Athènes, Jean-Paul II entraîne l’Église dans une dynamique dont l’Apôtre des nations est l’initiateur exemplaire. Depuis toujours, la pensée et l’action des chrétiens se sont inspirées de ce génie singulier dont la mission peut être caractérisée en trois termes : contemplation, exploration du mystère, témoignage de la foi. La contemplation : c’est le Seigneur, en effet, qui a établi Paul « témoin de la vision » du Ressuscité, une vision qui a révélé à l’Apôtre toute la profondeur du mystère de Dieu. Un mystère qu’avec la lumière de l’Esprit il n’a cessé par la suite d’explorer pour en saisir lui-même toutes les implications, et les communiquer aux hommes de toutes origines et de toutes conditions. Car Paul, en recevant la vision, s’est trouvé, par le fait même, envoyé – ainsi que le précise le récit des Actes des Apôtres – aux nations païennes « pour leur ouvrir les yeux » (Ac. 26, 12 – 18).
Depuis lors, l’Église n’a pas dérogé à cette triple exigence, sauf faiblesse de ses membres, oubliant l’obligation première de l’évangélisation. La primauté christologique, qui elle-même s’enracine dans l’économie trinitaire, demeure le point de départ absolu, le lieu d’enracinement et de revivification permanente de la foi. Les disciples, par la vie sacramentaire, participent à la Vie divine qui est le don du mystère révélé au monde par Jésus. La Tradition, le magistère, les théologiens et tous les chrétiens n’ont cessé d’expliciter toutes les dimensions de ce « dessein bienveillant, qu’Il avait formé en Lui par avance, pour le réaliser quand les temps seraient accomplis : ramener toutes choses sous un seul chef, le Christ. » Nous savons, par l’enseignement si assuré de Paul, que nous avons été « marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse ». (Eph. 1, 9 et 13).
L’étape d’Athènes, si elle constitue en elle-même une véritable épreuve pour l’unité des chrétiens aujourd’hui, impose aussi une réflexion à long terme sur la rencontre de l’Évangile et des civilisations. Cette cité prestigieuse unit, en effet, l’héritage de la Grèce antique à celui de l’orthodoxie chrétienne, fille de Byzance. C’est la rencontre de l’évêque de Rome avec les traditions byzantines qui apparaîtra en premier lieu, du fait des très rudes oppositions qui ont été exprimées, notamment chez les moines du Mont Athos, à la venue de Jean-Paul II. C’est bien le signe qu’en dépit des progrès évidents du dialogue œcuménique, qui se sont affirmés dans la charte signée à Strasbourg dimanche dernier, beaucoup reste à faire pour conquérir les cœurs et guérir les blessures d’un passé qui ne passe pas. Mais, là aussi, les conseils de Paul n’ont rien perdu de leur vigueur : « N’accordez rien à l’esprit de parti, à la vaine gloire (…) Ayez entre vous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus. » (Ph. 2, 3 et 5).
Mais l’épisode célèbre de la rencontre de l’Apôtre avec les Athéniens sollicite également l’intérêt de tous ceux que préoccupent ce qu’on appelle le dialogue interreligieux et la mondialisation culturelle. Ce n’est pas chose évidente que de proposer le message chrétien dans des civilisations qui se sont élaborées en dehors de la révélation biblique. Nous sommes habitués aujourd’hui à la symbiose qui s’est créée entre le christianisme et la pensée hellénique. Le refus radical opposé à l’annonce de la Révélation par les Athéniens nous oblige cependant à revoir à la hausse la question des obstacles culturels à l’accueil du christianisme, sans que nous renoncions à un dialogue exigeant et pacifié.