Le sérieux de l’humour - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Le sérieux de l’humour

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Le repas chez le pharisien, James Tissot, c. 1890.

Le repas chez le pharisien, James Tissot, c. 1890.

[Brooklyn Museum]

Au risque de paraître irrespectueux ou irrévérent, j’aimerais proposer l’idée que la parabole de l’Évangile d’aujourd’hui est, disons, drôle. Plus précisément, elle se veut drôle. Non pas « drôle » au sens de bête, ou trivial. Il est évident qu’elle comporte un enseignement sérieux sur la vertu fondamentale d’humilité. Mais on peut effectivement délivrer un message important d’une façon amusante. Et c’est cela que Notre Seigneur fait dans son Évangile.

A table dans la maison d’un chef pharisien, Jésus remarque comment les autres invités manœuvrent et bataillent pour avoir la meilleure place à table – c’est-à-dire la plus en vue. Apparemment, l’adage selon lequel « tout est dans la place qu’on occupe » » était aussi vrai à l’époque que maintenant. Peut-être pouvons-nous imaginer qu’un sourire commence à se former sur Son visage tandis qu’Il donne une leçon sur la manière exacte pour eux de choisir la meilleure place.

C’est une curieuse approche qu’il leur prescrit. Il faudrait qu’ils prennent la dernière place à table, non pas par pure humilité, mais pour qu’on puisse les faire monter, qu’on puisse leur dire d’en prendre une meilleure et de paraître meilleur aux autres. Alors, comment comprenons-nous les instructions de Notre Seigneur sur le choix des places ? Ou bien il donne un avis très cynique sur le plan social – Si vous voulez vraiment paraître meilleur lors d’un grand dîner, je vais vous dire comment faire – ou bien….Il a une autre idée. C’est probablement la deuxième solution.

Cette parabole est différente de toutes les autres. Il ne s’agit pas d’une histoire hypothétique à propos d’un berger, d’un fermier ou d’un pêcheur. Il s’agit des invités qui sont juste devant lui. Le fait est qu’il est en train de les taquiner au sujet de leur orgueil d’ascension sociale. Ensuite, après les avoir un peu taquinés – peut-être même à les avoir amenés à rire d’eux-mêmes – Il retourne alors la leçon et donne les consignes que de telles personnes ont besoin d’entendre : Quiconque s’élève sera abaissé, mais qui s’abaisse sera élevé.

Ainsi, cette leçon sur l’humilité attire l’attention sur une vertu voisine que saint Thomas d’Aquin appelle la félicité. Elle désigne l’importance de l’humour et de la légèreté dans la vie de foi. Et cela ne veut pas dire qu’il faut être désinvolte, rendre les choses triviales ou traiter ce qui est sacré avec irrespect. Elle ne désigne pas non plus le genre d’humour qui fait rire aux dépens d’un autre. Il s’agit plutôt de la capacité de rire de l’incongruité des choses, du ridicule des affaires humaines, et même de rire de soi.

L’utilisation de l’humour pou enseigner l’humilité est juste, comme l’indique la racine commune de ces mots. Humilité et humour dérivent tous deux d’humus – qui signifie terre ou sol. Ce sont des qualités terreuses. Seuls les humbles peuvent rire. Saint Philippe de Neri est appelé l’apôtre de la joie, en partie à cause de son usage de l’humour avec ses disciples. Malheureusement, son humour est souvent traité de batifolage, comme s’il était le clown de service de la Communion des saints. En fait, son humour avait le but très sérieux d’enseigner l’humilité.

L’humilité est la conscience de ce que nous sommes vraiment – la capacité de nous voir comme nous sommes. C’est le pouvoir de nous voir nous-mêmes dans nos vraies proportions, ni plus grands, ni plus petits que nous ne sommes en réalité. Ce sens de la proportion est nécessaire dans l’humour. Nous rions quand quelque chose nous frappe comme hors de proportion ou incongru. L’humilité est un sens de la proportion et de ce fait conduit au rire. Il nous incite à prendre Notre Seigneur sérieusement et à nous prendre nous-mêmes avec légèreté.

Les orgueilleux n’ont pas d’humour. Ils ricanent et se moquent. Ils tournent en ridicule les personnes ou les choses. Mais c’est de la cruauté, pas de l’humour. Les orgueilleux manquent du sens des proportions qui rendent possible le sens de l’humour. Ils se considèrent plus grands qu’ils ne sont, et se voient comme le centre de tout. Cela les rend aussi très ennuyeux. Les orgueilleux s’exaltent et trivialisent le Seigneur. Pour cette raison, ils seront humiliés ce qui ne sera pas drôle.

Tout ceci peut sembler en désaccord avec le sérieux de la foi. Mais l’Écriture nous dit qu’il y a un temps pour pleurer et un temps pour rire. (cf. Eccl III ; 4) Saint Thomas considère que le manque de joie est un vice. Il fait la remarque que l’homme sans joie… est un poids pour les autres. De la manière charmante qui la caractérise, Sainte Thérèse d’Avila priait ainsi : « Seigneur, délivre -moi des saints à l’air revêche. »

La joie chrétienne est un fruit de la confiance. Si nous ne faisons pas confiance à Dieu, alors, nous n’avons pas le sens des proportions. Sans confiance en Lui, nous nous considérons comme en charge et responsables de tout. Et cela n’a rien de drôle. L’homme qui a confiance en Dieu peut à la fois pleurer ses péchés, et rire de ses imperfections. Il sait que Dieu a le contrôle, et pas lui. Ainsi, il peut se permettre d’avoir le cœur léger.

La légèreté est aussi une protection contre le découragement. Le combat pour vivre la foi et élever les familles dans une culture de mort fournit de nombreuses occasions de découragement. Pour se prémunir d’être submergé par les épreuves, nous devons avoir le sens de l’humour. Sans cela, notre engagement dans le combat spirituel nous rendra rapidement fragiles, amers et irrités. Nous devons être des guerriers, mais des guerriers joyeux.

Clairement, cette question de l’humour, de la légèreté et de la joie est une affaire très sérieuse. Elle est nécessaire non seulement pour rendre la vie quotidienne agréable, mais pour le succès de la vie spirituelle. L’homme qui se prend au sérieux ne laisse aucune place à Dieu et pour cette raison, Dieu n’aura pas de place pour lui. Mais l’homme qui se voit dans de bonnes proportions dépend entièrement de Dieu et cultive un état d’esprit insouciant et joyeux.