La première condition pour comprendre le mystère de l’Église est de l’aimer. On mesure précisément le désamour actuel à la carence de toute une littérature qui se veut critique, et qui est le plus souvent l’expression d’une répulsion qui ne se cache pas, même si elle n’ose pas s’avouer comme telle. Il en va autant de la papauté que de la réalité de l’Église catholique. La plupart des « sociologues » du religieux exècrent la première, en ne manquant pas d’annoncer sa prompte disparition, tout en décrivant le peuple des fidèles comme une sorte de troupeau figé dans sa révérence à l’égard de l’autorité, mais de plus en plus incertain dans sa docilité au fur et à mesure que la liberté des modernes dissout les liens de la discipline catholique. Toute une polémique, de caractère très idéologique, ignore le plus souvent l’histoire et le présent de la foi, indifférente à ce qui constitue la substance du christianisme. C’est pourquoi on peut être reconnaissant à la Commission théologique internationale d’avoir consacré son dernier document au sensus fidei dans la vie de l’Église. Il s’agissait pour les membres de cette commission de mettre en valeur la centralité de ce sens de la foi qui habite les fidèles attachés au Christ et leur permet de participer pleinement à une communion ecclésiale manifestant un consensus dans l’attestation et l’annonce de la Bonne Nouvelle.
Non, les chrétiens de « la base » ne sont pas des éléments passifs, ils ne se contentent pas de recevoir d’en haut des vérités qui leur seraient extérieures. Ces vérités les habitent au plus intime d’eux-mêmes, ce qui leur permet de déployer leur vocation de prêtres, de prophètes et de rois. C’est pour cela que le pape François pouvait expliquer avec une formule dont il a le secret que « le peuple a du flair. Il a du flair pour trouver de nouvelles voies sur le chemin, il possède le sensus fidei dont parlent les théologiens ! » C’est en raison de ce flair spirituel et surnaturel que les communautés ecclésiales sont en capacité de vivre les charismes reçus de la grâce sacramentelle, avec tous leurs effets pour l’apostolat, le rayonnement dans la cité, les œuvres de charité et de solidarité. Le sensus fidei n’est pas réductible à un phénomène d’opinion publique, il n’a à peu près rien à voir avec les courants mesurés par les sondages. Il prend sa source, se développe et s’inscrit dans le cours d’une dynamique surnaturelle. Il n’est pas en opposition mais en relation vitale avec l’enseignement du Magistère, qui lui est nécessaire pour s’identifier et se mieux garantir en sûreté ecclésiale. C’est l’étude précise de ses fondements théologiques qui en détermine l’authenticité, la nécessité et les caractères irréductibles.
Commission théologique internationale, Le « sensus fidei » dans la vie de l’Église, Éditions du Cerf, préface de Mgr Éric de Moulins-Beaufort, 148 pages, 14,90 e.