L’entrée en carême, en pleine crise ecclésiale, a forcément un sens particulier, cette année. Ne s’agit-il pas pour toute l’Église de rentrer dans une retraite spirituelle, où elle se remet entièrement à Dieu, en se recentrant sur le mystère pascal ? L’heure n’est pas aux réformes structurelles, si indispensables certaines soient-elles. Elle est dans la contemplation du dessein salvifique de Dieu sur l’humanité, tel qu’il s’est révélé dans le drame de la Passion, la traversée du mal et la victoire du Ressuscité. La mission de l’Église est exclusivement déterminée par ce que Balthasar appelle « la dramatique divine », et s’il lui faut s’interroger sur sa fidélité, ce ne peut être qu’en référence à la volonté salvifique où la Trinité entière se trouve associée au mystère pascal.
C’est pourquoi tous les graves soucis contemporains concernant la discipline interne de l’Église doivent être envisagés par rapport à cette économie du Salut. Et de ce point de vue, on ne saurait trop se féliciter de la nouvelle orientation que l’archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit, a désiré donner aux conférences de carême de Notre-Dame, en les confiant au père Guillaume de Menthière. Ainsi que ce dernier le déclarait à notre journal dans sa précédente édition : « C’est le kérygme – c’est-à-dire le cri retentissant de la Bonne Nouvelle – qui doit résonner sous les voûtes de la cathédrale. » Et de préciser les directives de l’archevêque : « Parler de la résurrection, des Écritures, de la messe, des fins dernières, de l’Église ». En bref de l’essentiel, du cœur même de la foi.
Si réforme il y a, et celle-ci est nécessaire et inéluctable, elle ne pourra naître que du retour au centre, de l’exacte fidélité de la tête et des membres au mystère proclamé dans le kérygme. Le mot d’ordre d’une telle réforme ne pourra consister dans l’adaptation au monde, à ses idéologies et à ses mœurs, mais dans la conversion de tous, le passage de la mort à la vie. Le carême est l’occasion privilégiée pour entrer dans ce travail intérieur qui mène à la sainteté. Saint Paul, dans l’épître aux Éphésiens, concentrait en quelques traits lumineux le chemin à accomplir : « C’est ainsi qu’il nous a élus en Lui, dès avant la fondation du monde pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour déterminant d’avance que nous serions par Lui des fils adoptifs de Jésus Christ. »
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Photo : Désert de Juda © Florence Louvet
Pour aller plus loin :
- Conclusions provisoires du Synode sur la Parole de Dieu
- Jean-Paul Hyvernat
- Le rite et l’homme, Religion naturelle et liturgie chrétienne
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- Dénoncer les abus sectaires dans la vie consacrée et passer l’épreuve en union au Christ Epoux