Le sens d'une tragédie - France Catholique
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Noël : Dieu fait homme
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Le sens d’une tragédie

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Vivre une tragédie, telle que celle que nous avons vécue vendredi soir, n’a de sens que si elle se convertit en expérience spirituelle profonde. Non évidemment qu’il n’y ait une dimension politique, avec sa consistance propre et les conséquences qu’il importe d’en tirer face à pareil événement. La politique elle-même est partie prenante d’un drame qui se déploie sur la scène du monde et sur le fond d’horizon ultime de l’existence humaine. L’exécution sauvage de dizaines de personnes est déjà en soi un pur scandale. Qu’elle ait été perpétrée sous un prétexte religieux transforme ce scandale en scandale absolu. Peut-on imaginer un plus grand scandale que celui qui justifie au nom de Dieu le massacre de l’innocent ? Pourtant, ce que les assassins et leurs commanditaires voudraient nous faire croire, c’est précisément que la volonté divine peut commander et justifier ce que notre conscience condamne au plus profond de nous-mêmes.

Il est vrai qu’émergent à nouveau des concepts archaïques, tel celui d’un Dieu vengeur. Mais la révélation chrétienne nous a enseigné définitivement le contraire par l’exemple du Christ lui-même. Le grand René Girard avait fait d’une telle certitude l’axe même de toute son œuvre. Il l’a sans cesse réaffirmé : le Dieu de Jésus-Christ est le Dieu des victimes. Impossible de le mettre du côté des persécuteurs. C’est un paradoxe cruel que réapparaisse aujourd’hui une sacralité sauvage, archaïque je l’ai dit, mais aussi réinventée en quelque sorte par des modernes, qui sont souvent des déçus de la modernité.

Mais il faut aussi examiner la signification du retour politique de la violence sauvage, que René Girard avait également perçue il y a longtemps déjà. La violence actuelle correspond à ce que Clausewitz appelait « la montée aux extrêmes », lorsque plus aucune limite ne parvient à endiguer les effets. Non, la violence actuelle n’est pas la continuation de la politique par d’autres moyens. Elle est dévastatrice, elle est nihiliste. Elle ignore toute pitié et tout miséricorde. Nous sommes dans l’univers dévasté où le religieux lui-même est devenu satanique. C’est que parallèlement à une reconversion du politique doit s’opérer une reconversion christique du religieux.

Chronique diffusée sur Radio-Notre Dame le 16 novembre 2015.