En nommant une nouvelle promotion de cardinaux, Benoît XVI a assuré la pérennité d’un collège dont la tâche la plus importante consiste à élire le pape à chaque vacance du siège romain. Bien sûr, les cardinaux assument également d’importantes fonctions dans la direction de l’Église catholique, soit comme responsables des dicastères et des organismes de la Curie, soit comme pasteurs des plus grandes métropoles de la planète. Le pape distingue des personnalités de premier ordre pour l’assister dans sa tâche universelle. C’est la raison d’être de cet organisme qu’on a pu appeler « sénat de l’Église » dans une acception assez différente des organes de gouvernement de la vie publique.
Il convient, en effet, de considérer le gouvernement de l’Église dans son originalité, telle qu’elle s’explique par le développement d’une tradition bimillénaire. Depuis les origines, la primauté de l’évêque de Rome, telle qu’elle est affirmée déjà chez Ignace d’Antioche et Irénée de Lyon est reliée à la fondation de l’Église locale par les apôtres Pierre et Paul. C’est parce qu’il est successeur de ces deux apôtres que le pape est investi de son autorité propre. « Car avec cette Église, dit Irénée, en raison de son origine plus excellente, doit nécessairement s’accorder toute l’Église, c’est-à-dire les fidèles de partout, elle en qui toujours, au bénéfice des gens de partout, a été conservée la Tradition qui vient des apôtres » (Contre les hérésies, III, 3, 4).
Il y a donc lieu de ne pas faire d’erreur d’identification. Le caractère romain de l’élection du pape est impératif. C’est pourquoi il convient de repousser l’idée d’un chef de l’Église qui serait l’élu de l’épiscopat mondial. Les cardinaux sont tous symboliquement attachés à une paroisse de Rome et c’est comme membres de cette Église particulière, comme membres de son presbyterium, qu’ils participent à l’élection du successeur des apôtres fondateurs, et d’abord du chef du collège apostolique. Deux déviations intellectuelles sont à récuser : le collégialisme qui fait du pape le mandant du collège épiscopal (à ne pas confondre avec la collégialité définie à Vatican II) et le « surépiscopalisme ». L’évêque de Rome n’est pas un « surévêque », il est le premier des évêques et ces derniers le sont à part entière, inassimilables à ce que sont les préfets dans la République. Le statut hiérarchique des missions dans l’Église se trouve donc notamment garanti par le sénat constitué par les cardinaux.