Le propos est si banal qu’il n’est pas utile de citer son auteur. N’est-ce pas l’Église catholique en général, dit-on, qu’il faudrait accuser, à propos des affaires de pédophilie, plutôt qu’un de ses dignitaires, à cause de son malaise à l’égard de la sexualité ? Oui, c’est un grief très répandu, même s’il se décline sous de nouvelles formulations. Le christianisme aurait, quasiment de naissance, répandu la phobie et presque la haine des corps. Aujourd’hui encore, l’Église serait retardataire sur l’évolution des mœurs, ce qui contribuerait à expliquer une certaine névrose à l’égard de la sexualité.
Il est vrai que le discours, aujourd’hui, est un peu plus différencié, parce qu’autour du débat sur le mariage, on a aussi répandu l’idée que la pensée chrétienne serait naturaliste, à l’encontre de l’idéologie du gender selon laquelle la sexualité est pure construction, indépendante du caractère sexué de la personne. Il faudrait s’entendre ! Pour ou contre le corps ? D’évidence, l’Église est pour le corps. Déjà, saint Paul l’affirmait : « Le corps est pour le Seigneur, et le Seigneur pour le corps. » Ou encore : « Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu ? » (1, Cor. 6.19) Je me souviens d’une longue conversation que j’avais eue sur le sujet avec Michel Foucault qui venait de publier le premier tome de son Histoire de la sexualité. C’est le christianisme, me disait-il en substance, qui, dans l’histoire, a le plus insisté sur notre nature corporelle. Et il se référait aux Pères de l’Église, qu’il était en train d’étudier pour la suite de ses travaux.
Cela n’empêche pas que les préjugés ont la vie dure. Lorsqu’on explique que le monde catholique a été très en retard en ce qui concerne l’éducation à la sexualité, on devrait prendre garde que c’est plutôt le contraire qui est vrai. Il conviendrait de réaliser une recherche historique précise, mais je suis convaincu, pour ma part, que les établissements catholiques ont souvent été en avance par rapport aux autres institutions en matière d’éducation affective et sexuelle. Lorsque l’évolution s’est précipitée dans les années soixante, la société a peut-être pris sa revanche, mais je crains que la prétendue révolution sexuelle d’alors ne nous ai conduit plutôt à des impasses qu’à une vraie révolution.