Le Vatican a confirmé la rumeur, précédemment diffusée par le quotidien des évêques italiens Avvenire : la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta sera canonisée cette année. Non seulement c’est une décision juste en elle-même, mais c’est également une occasion rêvée de reconnaître certaine vérité politiquement incorrecte : le ministère de Mère Teresa auprès des pauvres en Inde était un microcosme révélant le souci de l’Autre au cœur de la morale chrétienne, une chose unique parmi les religions du monde, quelque chose que les Occidentaux post-chrétiens picorant dans l’hindouisme et poursuivant d’autres dieux étrangers ont manqué à remarquer.
Mère Teresa détestait la publicité et insistait pour que ses admirateurs se tournent vers le Christ et non vers elle : elle était célèbre contre son gré. Selon l’institut de sondage Gallup, les Américains l’ont admiré plus que toute autre personnalité du 20e siècle. Dix-huit ans après sa mort, des livres, des films, des timbres-poste commémoratifs évoquent fréquemment Mère Teresa.
Sa popularité en Occident a coïncidé avec un déclin de la ferveur chrétienne et le surgissement d’un intérêt pour les religions orientales. Déjà, au dix-neuvième siècle, Frédéric Nietzsche a été fortement influencé par l’hindouisme, pendant que des explorateurs européens de l’Himalaya proclamaient avoir découvert la libération spirituelle. A notre époque, ce processus a atteint des sommets. Alors que de nombreuses paroisses et congrégations se vident en Occident, les classes de yoga y sont pleines (en dépit des avertissement du père Gabriele Amoth, l’exorciste de Rome, sur les effets dévastateurs du yoga). Alors qu’auparavant des millions d’Américains se tournaient vers Fulton Sheen ou Billy Graham pour solliciter un conseil spirituel, les jeunes du millénaire écoutent Deepak Chopra.
Le basculement s’est fait dans les années 60, quand les occidentaux ont été de plus en plus nombreux à rejeter le christianisme de leurs parents. Selon eux, la religion était dogmatique, hypocrite et intolérante. Au lieu de réformer l’humanité, le christianisme était prétendument obsédé par le sexe. La génération des années 60 s’est tournée vers les gourous indiens, le yoga et la méditation transcendantale comme source d’inspiration.
Le travail de Mère Teresa parmi les pauvres en Inde a servi de boîte de Pétri (NDT : récipient dans lequel on mène des expérimentations biologiques) dans laquelle nous pouvons tester une hypothèse : les religions orientales sont-elles vraiment meilleures pour l’humanité que le christianisme ?
Actuellement, l’Inde est une puissance économique montante qui se vante de posséder la classe moyenne la plus nombreuse du monde. Cependant l’extrême pauvreté est toujours endémique en Inde et le restera probablement longtemps encore, pour une bonne part en raison de l’hindouisme.
Les Dalits, qu’on nommait autrefois les Intouchables, sont des exclus dans le système de castes indien, basé sur les origines, le mauvais karma et le métier exercé (par exemple, les bouchers sont « intouchables » en raison de leur contact avec des carcasses animales, tout comme le sont les concierges qui sont en contact avec les ordures ménagères). Durant des siècles, ils ont été victimes de violence et de ségrégation. Le système de caste a son origine dans les textes sacrés hindous.
Récemment, il y a eu du progrès dans la façon de traiter les Dalits. Le mahatma Gandhi s’est battu pou leur émancipation.La Constitution indienne de 1950 bannit officiellement la discrimination contre les « intouchables ». Entre 1997 et 2002, un Dalit – K.R. Narayanan a même été Président. Cependant 250 millions de Dalits continuent de subir un traitement inhumain. Ils constituent plus de 90% des Indiens illettrés, et selon le rapport du bureau national indien d’investigation sur les crimes, chaque jour trois Dalits sont violés, deux assassinés et deux ont leur maison brûlée. Le contact avec les Brahmanes est formellement interdit et les Dalits qui s’aventureraient dans les quartiers des castes supérieures peuvent être tués. Les chefs religieux hindous approuvent tout cela. De nos jours, de nombreux Dalits se convertissent au christianisme, à l’islam ou au bouddhisme pour échapper au système des castes.
Pour Mère Teresa, la caste était sans importance. Elle était célèbre pour son aide aux Indiens pauvres, qui sont souvent des intouchables. De nombreux Indiens des castes supérieures côtoient dans l’indifférence des Dalits mourant de faim, malades, crasseux. Dans l’enseignement hindou, c’est de leur faute s’ils se trouvent dans une telle situation : ils ont commis des actes mauvais dans une précédente incarnation, ou ils ont choisi une profession impure.
Mère Teresa fait partie d’une singularité plus grande : l’Église dirige plus d’hôpitaux, d’orphelinats et de léproseries que toute autre institution en Inde. Si c’est dans un désir de prosélytisme, comme le prétendent les hindouistes radicaux comme Mohan Bagwat, alors l’Église manque singulièrement d’efficacité : à peine 1,7% des Indiens sont catholiques.
Contrairement à l’hindouisme, le christianisme prêche un système éthique universel. De la conversation du Christ avec la Samaritaine à l’insistance de Saint Paul qu’il n’y a « ni Grec, ni Juif, ni esclave, ni homme libre », la foi prescrit un traitement identique pour tous. Cet universalisme éthique rend le Christianisme unique parmi les religions du monde. En islam, le kaffir est traité en inférieur, et le Coran permet même d’exercer le jihad contre lui. Avant que le président de l’Église mormone n’ait un « tête à tête » (en français dans le texte) avec Dieu en 1978, les noirs ne pouvaient devenir prêtres. Il y a beaucoup d’exemples similaires.
Le christianisme n’est pas seulement réfractaire aux idées d’ethnies et de classes, il prêche également le pardon et un traitement égal pour tous, sans tenir compte de transgressions passées. Dans la parabole du Fils Prodigue, Jésus enseigne aux chrétiens de passer outre les péchés de leurs frères, et de traiter ces derniers avec respect. Alors que le système de castes hindou rejette les gens en fonction de leur profession ou de péchés commis dans une vie antérieure, Mère Teresa n’a jamais demandé aux pauvres s’ils étaient pécheurs (elle savait bien que toute l’humanité, elle y comprise, était pécheresse depuis le jardin d’Eden).
Il ne manque pas d’intolérance dans l’histoire chrétienne. Durant la colonisation des Amériques, des catholiques espagnols ont usé de violence pour convertir les Indiens. Au cours du Moyen-Age, des chefs d’États européens ont enfermé les juifs dans des ghettos. Cependant le Nouveau Testament ne cautionne nulle part ces abus.
Bien plus, les abus de la part de chrétiens ont souvent rencontré une réaction chrétienne vigoureuse : les papes médiévaux ont édicté des bulles rejetant l’accusation de sacrifices humains (NDT : une accusation qui a été porté à plusieurs reprises contre les juifs, déclenchant émeutes, pillages et meurtres dans les ghettos) ; le frère dominicain Bartolomé de las Casas a été le plus ardent défenseur des Indiens en Europe ; et le pape Paul III a édicté des bulles menaçant d’excommunication ceux qui réduisaient en esclavage les indigènes américains.
Les êtres humains sont naturellement enclins au tribalisme, à voir l’Autre comme moins humain que soi. La plupart des religions du monde reflètent cette idée, et l’hindouisme, avec lequel tant d’Occidentaux ayant abandonné la foi de leurs pères ont flirté, n’est pas une exception, avec son système de castes.
Puisse la canonisation de Mère Teresa être une opportunité pour nous d’étudier son exemple et de voir que, contrairement aux phantasmes occidentaux sur les religions orientales, le christianisme, plus que toute autre religion, considère les hommes et les femmes comme faits à l’image et à la ressemblance de Dieu, et égaux en dignité.
— – Filip Mazurczak est un correspondant de National Catholic Register et rédacteur en chef adjoint du journal European Conservative, basé à Vienne. Source : http://www.thecatholicthing.org/2016/01/09/the-scandal-of-mother-teresa/
— – Filip Mazurczak est un correspondant de National Catholic Register et rédacteur en chef adjoint du journal European Conservative, basé à Vienne. Source : http://www.thecatholicthing.org/2016/01/09/the-scandal-of-mother-teresa/
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