Le savoir qui rend aveugle - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Le savoir qui rend aveugle

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Le Christ rendant la vue à Bartimée, William Blake, v. 1799-1800.

Le Christ rendant la vue à Bartimée, William Blake, v. 1799-1800.

[Centre Yale de l'art britannique, New Haven, Connecticut]

La « prière de Saint Patrick » contient une curieuse demande, invoquant la puissance de Dieu « contre tout savoir qui aveugle l’âme de l’homme ». Parfois , il est nommé le savoir qui « corrompt », « lie » ou « souille ». Quelle que soit la traduction (NDT : la prière originale est en latin), le point important reste le même et va à l’encontre de la façon de penser de notre culture. Nous avons pour règle philosophique la notion simpliste et idiote que « le savoir c’est le pouvoir ». Nous ne pouvons pas imaginer une mauvaise sorte de savoir.

Saint Patrick était plus lucide. Il savait notre besoin d’être protégé contre cette sorte de savoir qui non seulement échoue à nous aider mais en fait nous menace. C’est un savoir qui promet la clairvoyance mais délivre la cécité.

L’aveugle Bartimée savait au moins qu’il était aveugle. C’est ce savoir qui le pousse à crier : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! » Sa cécité était salutaire dans la mesure où elle l’a poussé à chercher la guérison. Être aveuglé par son propre savoir, c’est une autre histoire. Il aveugle en prétendant nous donner la clairvoyance et nous rend donc aveugle à notre propre aveuglement.

Prenez par exemple la mentalité contraceptive. Avec l’acceptation et l’usage généralisé de la contraception, nous pensions avoir obtenu un savoir et savoir bien mieux que quiconque avant nous. En fait, la mentalité contraceptive nous a rendu aveugles à ce que nos ancêtres savaient très bien : la vérité de l’homme, de la femme, de la sexualité et du mariage.

Car si la procréation peut être éliminée de l’acte marital, pourquoi cet acte devrait-il rester inscrit dans le cadre du mariage ? Pourquoi même se marier ? D’ailleurs, pourquoi le restreindre à un homme et une femme ? Et puisque la contraception élimine ce qui est caractéristique de l’homme et de la femme (leur aptitude à procréer), pourquoi devrions-nous penser qu’être un homme ou une femme signifie quoi que ce soit – ou même que ce soit une réalité ? Ainsi nous avons été rendu aveugles à des vérités autrefois bien connues.

La mentalité contraceptive est liée à une autre savoir qui aveugle, la compréhension moderne de la liberté comme étant la possibilité de faire tout ce qu’on veut. Ainsi comprise, la liberté requiert le rejet de toute limite. Naturellement, une fois que vous enlevez les limites, vous enlevez la signification. Une chose n’a de sens que dans la mesure ou elle a des limites. L’illimité n’est pas la liberté, c’est l’insignifiance. Quand nous exigeons une telle liberté, nous nous aveuglons sur notre propre signification et de ce fait nous provoquons la dissolution à laquelle nous assistons.

Ensuite, il y a le savoir qui rend aveugle du « scientisme ». La science dans son domaine est un outil utile. Le scientisme, de son côté, est autoritaire. « La science est réelle » annonce le panneau. Ce que cela signifie réellement, c’est qu’aucune autre forme de savoir ne sera acceptée comme réelle. C’est autant une menace qu’un constat. Le scientisme nous tient le discours que l’homme était dans l’obscurité et l’ignorance jusqu’à ce que la révolution scientifique le délivre. Depuis cet événement salvateur, nous savons tous mieux. Nous avons maîtrisé le monde (en dépit des épidémies).

Bien sûr, tout ce que fait réellement le scientisme, c’est tronquer le savoir. Nos ancêtres méditaient sur le physique et le spirituel, le temporel et l’éternel. Le scientisme nous confine au physique et au temporel. Le seul véritable savoir (la science est réelle!) est ce que nous pouvons mesurer, jauger et quantifier. Loin de nous éclairer, cela nous a rendu aveugles à tout un champ de savoir. Son discours dualiste (vieux = mauvais / nouveau = bon) crée un parti pris dans notre esprit qui nous rend hostile à toute sagesse antérieure.

Le pire de tout, c’est que le « savoir » du scientisme nous rend aveugle à la vérité de ce que nous sommes. Comme âmes incarnées, nous sommes plus que ce que le scientisme autorise à étudier. Il réduit notre raison d’être à ce monde uniquement. Nous devenons un simple objet physique à étudier, manipuler et appréhender. En conséquence, cela nous a rendu incompréhensibles à nous-mêmes.

L’aveugle Bartimée nous montre le chemin pour sortir de cet aveuglement. Premièrement, et c’est le plus important, il manifeste que la foi conduit à voir. « Ta foi t’a sauvé » lui dit notre Seigneur. Sa foi le rend capable de voir. Contrairement à ce qu’affirme le mythe moderne, la foi nous rend capables de savoir. Ainsi que l’a exprimé Jean-Paul II, « la foi purifie la raison et ouvre des horizons que, d’elle-même, la raison pourrait ne jamais prendre en compte ».

Bartimée nous montre également que la vue requiert une forme de pauvreté. Quand il entendit que le Seigneur l’appelait, « il jeta son manteau, se leva vivement et vint à Jésus ». Ce manteau représentait la totalité de ses possessions. Il le gardait au chaud par temps froid et lui servait peut-être de coussin quand il était assis pour mendier. Mais le manteau n’était pas aussi important que la vue. Bartimée voulait le jeter de côté pour courir sans entrave vers la guérison.

Se libérer de l’aveuglement requiert la pauvreté, la volonté de perdre notre richesse et notre contrôle supposé. Au XIXe siècle, dans les États du Sud, les bénéfices financiers de l’esclavage ont aveuglé les hommes quant à la grave injustice qu’était cette institution. De façon similaire, nous avons arrangé des vies confortables et autonomes autour du scientisme, une notion fausse de la liberté, et de la mentalité contraceptive.

Nous portons un lourd manteau, dont il n’est pas facile de se débarrasser. Nous ne recouvrerons la vue que lorsque nous désirerons nous débarrasser de tout ce que notre « savoir » nous a obtenu. En résumé, notre problème n’est pas tant intellectuel que de volonté. Nous devons vouloir changer radicalement nos vies afin de voir clairement.

Nous avons besoin de voir. Nous avons besoin d’être guéris de notre cécité. Prenant exemple sur Bartimée, jetons notre fausse autonomie et notre richesse, courons au Seigneur et prions cette simple prière : « Seigneur, que je voie ! »