Dernièrement, interrogé par Apolline de Malherbe sur BFMTV, le professeur Didier Raoult s’est prévalu de son unique discipline scientifique pour répondre aux questions qui lui étaient posées. Il prenait soin également de faire le partage entre sa compétence professionnelle et la tâche propre au politique. Une telle distinction s’impose, de façon frappante en ce moment. Incontestablement, le politique a besoin de l’expertise scientifique qui concerne le domaine de la santé, et plus précisément des épidémies. Mais tout l’éclairage possible de la science ne l’empêchera pas d’avoir à décider en dernière instance, et lui seul. Ainsi que le déclare Régis Debray au Journal du dimanche : « Le savant dit le fait, le politique ce qu’il faut faire, et l’un ne se déduit pas de l’autre. »
Oui, le politique relève d’un ordre spécifique, celui qui concerne le gouvernement de la cité, et donc de ceux et celles qui la composent. Au XIXe siècle, le comte de Saint-Simon proposa de substituer à ce gouvernement « l’administration des choses », selon quoi il se trompait gravement. Le politique n’est pas le technocrate, car il joue sur une multiplicité de facteurs, et surtout il s’adresse à des personnes que l’on ne saurait traiter comme des automates. Sans doute, a-t-il besoin des informations les plus précises de la part de ceux qui s’attachent à ce que le professeur Raoult appelle « les données ». On s’aperçoit que ces données donnent parfois lieu à des désaccords entre spécialistes, ne serait-ce que sur l’efficacité des médicaments et celle des confinements. Mais in fine, c’est à l’Élysée et à Matignon que l’on tranchera.
Cependant, Régis Debray associe un troisième partenaire au scientifique et au politique, le philosophe, qu’il définit d’ailleurs comme un gêneur, celui qui cherche la raison des choses, qui n’est jamais celle qu’on croit. Oui, il y a un ordre de rationalité qui n’est pas celui de la science et qui se rapporte à une intelligence de l’être et de l’être humain. Il est arrivé au philosophe Martin Heidegger de prononcer cette formule provocante : « La science ne pense pas », non qu’elle soit étrangère à la pensée, mais parce qu’elle ne peut penser l’essence de son objet. Mais voilà qui demanderait quelques explications. Le philosophe a sa mission aujourd’hui. On pourrait lui associer le théologien…