Benoit XVI, hier, en allant prier devant le Saint-Suaire dans la cathédrale de Turin a parlé d’« icône, écrite avec le sang ». Je trouve cette expression assez remarquable pour désigner cette pièce de tissu ô combien vénérable.
Il me semble que c’est l’archevêque de Turin, au moment des résultats de l’analyse au carbone 14, qui avait pour la première fois utilisé le mot d’icône. La situation était alors embarrassante. Si le Saint-Suaire était déclaré « par la science » d’origine médiévale, il était délicat de parler de relique. Icône, celle expression-là avait au moins l’intérêt de ne pas prendre position sur la question scientifique, de l’éviter en quelque sorte. Mais cela avait surtout la vertu d’évoquer une dimension supérieure de l’image, une image exprimant mieux que tout le corps crucifié de Jésus. Les chrétiens pouvaient bien continuer à vénérer en masse le Saint-Suaire. Même s’il avait été fabriqué au Moyen Age, il représentait si bien le mystère de la rédemption, Jésus mis au tombeau, et témoignait dans son extraordinaire noblesse de sa victoire sur la mort. Comme beaucoup de monde, j’avais été moi-même troublé par la datation au carbone 14, ayant de surcroit reçu le verdict d’un scientifique français, adepte résolu de l’authenticité, qui s’était incliné face à ce résultat, m’assurant que toutes les précautions, et même au-delà, avaient été prises lors de l’expérimentation. Et pourtant, me disais-je, comment est-il possible que ce tissu médiéval reflète une telle exactitude factuelle, historique, exprimant la réalité de façon si saisissante, sans pouvoir d’aucune façon être prise en faute ?
Oui, c’était bien un sans faute, qui rectifiait d’ailleurs toutes les erreurs de l’iconographie classique à propos de la crucifixion et nous permettait de mieux comprendre certains termes des évangiles, jusqu’alors mal identifiés. Qu’on le veuille ou pas, le linceul demeurait une extraordinaire énigme scientifique, au-delà de sa valeur d’icône.
J’observais dans le milieu catholique un clivage, dont je me demande s’il existe encore de façon aussi marquée. Il y avait, en effet, d’une part les partisans fervents de l’authenticité ; il y avait ceux qui semblaient se défier, et parfois au plus haut point, de cette image. Ils craignaient sans doute qu’elle ne devienne une sorte de cinquième évangile et ne soit « idolâtrée ». Il est vrai que le Saint-Suaire pose un extraordinaire problème théologique, car s’il est ce que dit Arnaud Upinsky, s’il a réellement enveloppé Jésus de Nazareth, il est une icône de la réalité même de la mort du Seigneur, la représentation de sa Passion et de son corps supplicié. Et notre foi prend aussi appui sur cette preuve matérielle irrécusable, qui devient, dans une certaine acception, un autre évangile, l’évangile du Saint-Suaire. C’est vrai que c’est la foi elle-même qui en est affectée. Une certaine théologie préfère la foi nue. Une foi qui, d’ailleurs, a réduit à certains moments les évangiles à un minimum absolu d’historicité. C’était le cas d’un Bultmann. Il me semble que la foi spécifiquement catholique requiert plus de positivité matérielle et qu’elle n’est pas hostile à une attestation aussi manifeste. Ainsi, le Saint-Père, en parlant hier d’« icône écrite avec du sang » a-t-il ouvert une perspective qui se rapproche de celle-là. Une icône qui serait l’image réelle de la passion du Sauveur.
Chronique du 3 mai sur Radio Notre-Dame.
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L’ouvrage Le Linceul de Jésus de Nazareth, cinquième évangile ? de Dominique Daguet, n’est actuellement disponible qu’à l’association ALIAS (Action Linceul, Action Spirituelle), 31 rue Ambroise Cottet – 10000 Troyes, dans l’attente d’un retirage par le Sarment-Jubilé – 25 € + 3 € de port. Il comporte 470 pages plus un cédérom composé de 35 documents dont 150 photographies en un premier jeu sans commentaires et un second avec commentaires.
Le travail de l’association ALIAS ne peut se poursuivre que dans la mesure où sont achetés des livres (envoi du catalogue des livres publiés si demandé : Domdag.CB@orange.fr ) ?