J’ai reçu récemment une bonne leçon de romantisme avec le livre de Simon Schama, Citoyens, une histoire de la Révolution française. Dans les dernières pages, Schama conclut que la Révolution était une expression de l’Âge du romantisme. Ainsi, loin de l’Age of Wonder ( « L’Âge des Merveilles ») dont selon Richard Holmes avait été la Période romantique – le titre de son propre livre sur le sujet -, il y avait et il y a un autre visage du romantisme, un romantisme qui a foulé aux pieds la pensée, les institutions et les hommes.
Homes et ceux qui pensent comme lui n’ont pas complètement tort (il y a une bonne dose de merveille dans le romantisme). Mais il y avait simplement beaucoup plus pour le romantisme, spécialement tel qu’il se continue aujourd’hui : dans les foules dans les rues, par exemple, et dans les obstructions innées aux manifestations du catholicisme.
Parmi les nombreuses causes qui y ont contribué, Schama démythifie l’idée que la Révolution française était une histoire de pauvres contre riches. Elle semble surtout, avoir été un conflit entre les nobles. Il y avait dans les classes supérieures chez beaucoup de personnalités une étrange forme de dégoût de soi-même. C’est pour nous le premier point utile à rappeler dans les conditions présentes, le dégoût de soi. La Révolution semble avoir donné un frisson même quand il s’agissait d’un mouvement contre sa propre communauté et ses propres intérêts. Aujourd’hui, peut-être que saper l’Église et ses enseignements donne aux gens un frisson – ils peuvent alors dire : voyez, nous sommes aussi des révolutionnaires !
Ensuite Schama démythifie l’idée que l’administration royale ne faisait rien pour les pauvres. Il a analysé la grande recherche que l’on fait sur les projets décidés et menés à bien par le roi et ses conseillers. C’était le second point utile. Pendant les jours qui précédèrent la Révolution il y avait tout un groupe de gens qui méprisait ce qui avait été déjà fait, dont ils n’étaient probablement pas même conscients. Aujourd’hui aussi, il y a une attitude semblable anti-historique – « l’Église et ses enseignements commencent avec moi. Je les invente au fur et à mesure.»
Schama aussi a étudié comme l’histoire de France a changé, devenant plus histrionique et extrémiste tandis qu’approchait la Révolution. C’est encore un point utile. La rhétorique révolutionnaire se détache de la raison et devient hystérique. Tout ce bruit avait pour but d’effrayer l’autre côté, comme certains évêques aujourd’hui sont effrayés par leurs équipes diocésaines, ou des prêtres intimidés par leurs paroissiens. Alors le clergé et les laïcs ne peuvent faire ce qu’ils sont censés faire. Ils peuvent devenir des factions politiques d’opposition au lieu de coopérateurs dans la mission du Christ.
Un des points-clés de Schama mérite réflexion : le romantisme a eu – nous pourrions dire qu’il a encore – une addiction à l’absolu et à l’idéal. Ici « l’Absolu » était la nature et non Dieu. « L’Idéal » avait plus à faire avec des termes abstraits qu’avec quelque chose en rapport avec la réalité. Cette forme de Romantisme est caractérisée par « son obsession du cœur ; sa préférence donnée à la passion plutôt qu’à la raison, à la vertu plutôt qu’à la grâce. »
Le Romantisme était une anti-raison, obsédée par la passion – là où il domine dans l’Église, tous ces cours de logique pour le clergé sont vains. La « Vertu » était ce que les révolutionnaires français imaginaient avoir existé dans l’ancienne Rome, c’était au fond surtout le stoïcisme. Ce n’était la façon dont le catholicisme comprenait la vertu. En fait, la Révolution travailla puissamment à détruire l’Église, massacrant le clergé, les religieux et les laïcs.
Voici ce qui est capital : la position romantique fournit « un ingrédient crucial dans la mentalité de l’élite révolutionnaire : l’association de la liberté avec la violence… Dès le début la violence fut la devise de la Révolution. » La langue souvent brutale et le comportement meurtrier des Romantiques l’emportèrent et les contributions du catholicisme furent rejetées
S’il y a un parallèle à faire avec les temps modernes, les Romantiques auront de la difficulté avec les catholiques parce que la Foi vraie implique l’assentiment à une doctrine réelle – raison au-dessus de passion. Changer de passion ne permettra pas d’aimer avec constance son voisin, par exemple. Les Romantiques ne prient pas régulièrement le bréviaire parce qu’ils ne peuvent pas – ne veulent pas – entrer dans la Tradition que, finalement, ils pensent dépassée. Mais sans une Tradition communément acceptée, il n’y a pas d’unité dans l’Église.
De tels romantiques font de pauvres prêtres, pour la même raison, parce qu’ils n’écoutent pas la Tradition. Le clergé romantique ne peut prêcher sur l’Écriture au-delà de donner son opinion. Ils ne veulent pas faire ce que l’Église demande. Entendre des confessions est impossible parce qu’ils ne peuvent faire un jugement objectif.
Les romantiques font de pauvres évêques aussi parce qu’ils travaillent sans la tradition. Ceux qu’ils embauchent seront aussi romantiques et donc ne peuvent objectivement conduire le catholicisme à remplir ses tâches, tout ce qu’on demande c’est d’être bien intentionné (passion).
Les romantiques font de pauvres religieux parce qu’ils vont transgresser le rôle de leur ordre dans l’histoire du salut, interprétant tout comme si cela commençait avec eux. Ils vont transgresser leurs vœux non moins parce qu’ils ignorent la signification que l’Église leur donne. Essayez d’être pauvre et bourgeois, ou chaste et complaisant avec soi-même ou obéissant seulement à ses propres désirs.
Les romantiques feront aussi des choses fatales comme voter pour l’avortement parce qu’il y a un opportunisme dans le romantisme qui est violent et pourtant si terre à terre. Dans la France du XVIIIe siècle les révolutionnaires pouvaient découper les gens en morceaux exactement comme nous payons aujourd’hui des docteurs pour faire la même chose aux bébés.
Pour être juste et complet, il y avait un autre romantisme, le romantisme de Chateaubriand qui mettait l’accent sur ce qu’il a appelé Le Génie du Christianisme, l’immense somme d’architecture, de peinture, de musique, de littérature qui est issue de la Foi – la Foi dans son intégrité, qui incluait à la fois pensée et (authentique) émotion.
L’Incarnation n’a pas voulu prendre les pires aspects de la culture et les introduire dans l’Église. Elle veut apprendre du Christ et enseigner la culture qu’Il nous a enseignée. Le mauvais romantisme détruit l’Église.
30 avril 2017
Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/04/30/romanticism-and-the-church/
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