Le roman national - France Catholique
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Le roman national

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L’histoire de France est-elle un roman ? L’expression de roman national est beaucoup employée en ce moment et elle prête, d’évidence, à contestation. Il me semble bien que c’est mon ami regretté, le sociologue Paul Yonnet, qui avait, le premier, employé cette expression dans un sens d’ailleurs tout à fait positif. Car il y mettait une belle touche d’affection, de révérence, et pourquoi pas, de rêverie. La France de Jules Michelet était une personne vivante, le général de Gaulle parlait de Notre Dame la France et l’on trouverait chez bon nombre d’auteurs des expressions métaphoriques propres à faire sourciller les austères censeurs de l’expertise scientifique. Il est vrai que leur langage à eux tend souvent au jargon qui ne fait pas rêver du tout.

Je comprends toutefois que l’on rappelle la nécessité d’une certaine rigueur disciplinaire. C’est pourquoi Jean-Pierre Chevènement préfère parler de récit national plutôt que de roman national. Récit, le mot est intéressant et suggestif, il offre des connotations philosophiques qu’a bien mises en valeur Paul Ricœur et conduisent à une réflexion méthodologique et anthropologique majeure. Justement, la notion de récit n’est pas antithétique de celle de roman, car l’un et l’autre participent d’une même tension narrative où l’imagination est maîtresse. Certes, le roman c’est de la pure fiction, l’histoire n’est pas fictive, mais elle est toujours à recréer. François Furet me parlait du grand effort d’imagination qui revient aux historiens. Imagination qui s’empare de tous les éléments objectifs disponibles bien sûr, et se trouve régulée par des paramètres complexes.

Mais il y a aussi autre chose dans cette querelle du roman national, c’est qu’il se rapporte à un sujet historique bien précis. Paul Yonnet aimait ce sujet historique, auquel il intégrait son propre récit familial. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Certains entendent déconstruire le roman national, parce qu’ils ne reconnaissent plus le sujet ou veulent le mettre en procès. Ils se réclameront sans doute de la scientificité mais n’ont-ils pas d’autres romans en tête qu’ils aimeraient substituer à celui qui avait droit de cité dans l’école d’autrefois ?

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 20 mai 2015.