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Au moment où Benoît XVI se rendait à Viterbes et, non loin de là, sur le tombeau de saint Bonaventure, les militants de l’UMP et du Parti démocrate achevaient leurs universités d’été, comme il est coutume de le faire dans cette période de rentrée. Est-il permis d’aller au-delà de la simultanéité pour trouver un objet commun à ces deux événements ?
Après tout nos politiques avaient pour but de réfléchir sur les grands problèmes du moment. Le mot d’université renvoie bien à l’étude, à la recherche, avec l’ambition de faire les choses sérieusement en se mettant éventuellement à l’école des meilleurs des maîtres. Alors là, oui, un rapprochement est possible avec le Pape puisque ce dernier voulait rendre hommage à un grand docteur du Moyen Âge, un de ces penseurs qui, avec Thomas d’Aquin, firent la gloire de l’université du XIIIe siècle.
L’étudiant Joseph Ratzinger s’était, dans sa jeunesse, beaucoup intéressé à Bonaventure, disciple de saint François d’Assise, plus sensible que Thomas à la dimension historique et, pour cela, précurseur des courants modernes. Benoît XVI a insisté sur la nécessité du travail intellectuel dans l’Église à la suite d’un tel précurseur. C’est une conviction profondément ancrée chez lui qu’il a déjà longuement explicité dans ses interventions fameuses de Ratisbonne, en 2006, et des Bernardins il y a un an. Nous nous en souvenons tous. Même pour le christianisme fidèle d’abord à la règle de la foi, la raison est capitale. Elle l’est sous un autre mode pour la politique et pour les jeunes qui veulent se consacrer au bien de la Cité. N’a-t-on pas répété à satiété que les idées menaient le monde ? Alors il faut souhaiter aux universités d’été d’accomplir pleinement leur tâche même si on a souvent l’impression qu’elles n’échappent pas à la mise en scène politique et à un spectacle où les dirigeants hâlés, bronzés sont surtout là pour briller devant les caméras de télévision.
Dernièrement notre collègue Alain Duhamel, a formulé un diagnostic très sombre sur le déclin intellectuel de la politique. Les Jean-Paul Sartre, Raymond Aron, François Furet auraient disparu sans être remplacés par des autorités équivalentes. Et les politiques s’intéresseraient de moins en moins aux grands débats de fonds, préférant le pragmatisme aux idéologies. Je ne suis pas aussi pessimiste qu’Alain Duhamel, au moins en ce qui concerne nos intellectuels. Nous avons des chercheurs de grande valeur en différents domaines même s’ils ne disposent pas de l’aura des siècles passés. Le malheur c’est que les politiques ne leur prêtent pas suffisamment d’attention. Or la gravité des questions posées aujourd’hui, notamment par toutes les dimensions de la crise profonde que nous vivions, exige un examen fondamental des choix qu’il faudra opérer.
Est-il nécessaire d’ajouter que les chrétiens participent à cette recherche commune et que Benoît XVI les y encouragent vigoureusement ? Alain Duhamel laissait croire dans son diagnostic que la pensée sociale de l’Église avait connu ses beaux jours dans les années 50. Aurait-il oublié les grands textes de Paul VI avec l’intervention de ce géant de la pensée moderne qu’était l’économiste chrétien François Perroux ? A-t-il oublié Jean-Paul II à l’heure de Solidarnösc en Pologne ? A-t-il entendu parler de la dernière l’encyclique de Benoît XVI sur la question sociale. Non les chrétiens ne sont pas intellectuellement et physiquement démobilisés et pour tous devraient sonner le réveil de la pensée.
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