Lorsqu’une discussion publique provoque une profonde fracture sociale, on peut concevoir de la crainte pour la paix civile et la fraternité des citoyens. Mais il se peut aussi, selon l’expression consacrée, que « le diable porte pierre », et que le désaccord soit à l’origine d’une remise en cause salutaire, en permettant de prendre conscience de la gravité d’un sujet et de la façon dont il affecte profondément notre commune humanité. La vigueur des oppositions, le caractère parfois tragique des discussions peuvent aider à l’élucidation d’une question essentielle. Et qui pourrait prétendre que celle de la famille et des liens de la filiation relèverait des opinions contingentes ? On ne peut donc s’étonner de la virulence du débat actuel sur le bouleversement qu’impliquerait la modification substantielle des liens du mariage tels qu’ils sont, notamment, inscrits dans le Code civil.
Si le président de la République, le gouvernement et l’ensemble de la gauche ont voulu cette modification, ils ne peuvent s’étonner des conséquences de leur décision. Ou alors leur étonnement nous étonne. Il est vrai que certains expliquent qu’ils étaient persuadés que la réforme passerait « comme une lettre à la poste », parce que l’opinion était acquise par principe et même parce que c’était une « avancée sociétale » tellement en phase avec le progrès des droits individuels qu’elle désarmerait d’elle-même toutes les réticences. En ce cas, pareille naïveté et pareille cécité sont confondantes. Le socle même de l’existence sociale ne saurait être ébranlé sans que la tempête ne se lève. À cela, il est répondu que bien d‘autres pays ont connu cette évolution sans que leurs populations ne s’en émeuvent. Mais qui nous dit que, dans dix ou vingt ans, une crise de conscience majeure ne resurgira pas, en redécouvrant les enjeux qui avaient été camouflés et qui expliquent le délitement progressif des liens fondamentaux de société ?
Que l’ensemble des familles religieuses marquent leur opposition formelle au projet du « mariage pour tous » est tout de même significatif de la portée de la crise morale contemporaine. Ces familles portent la mémoire des sagesses les plus enracinées de notre histoire. Un journaliste a osé répliquer à ce fait massif que cette opposition n’avait aucune importance car, aux yeux du législateur, elle n’avait pas plus de valeur qu’un éventuel jugement sur l’exploitation des gaz de schiste ! Une telle inconscience est sans doute significative de la déliquescence intellectuelle d’une certaine culture. Elle risque d’être balayée par le réveil massif d’un peuple qui comprend comment cette culture le détruit.
Pour aller plus loin :
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- MESSAGE POUR LA JOURNEE MONDIALE DE LA PAIX
- SI LE LOUP PROTÈGE L’AGNEAU, ET AU-DELÀ
- La République laïque et la prévention de l’enrôlement des jeunes par l’État islamique - sommes-nous démunis ? Plaidoyer pour une laïcité distincte