LE RETOUR EN FORCE DES GRANDES QUESTIONS - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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LE RETOUR EN FORCE DES GRANDES QUESTIONS

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Alors que la philosophie s’est faite plutôt muette sur les « grandes questions », la physique d’aujourd’hui se les pose à nouveau, frappant, comme dit Soljenitsyne, à la cloison de l’invisible1. Ce que notre très présidentiel porte-parole2 appelle silence n’annoncerait-il pas plutôt la fin d’un silence ? Tout d’un coup, ceux qui depuis quarante ans croyaient philosopher en dissertant sur le pouvoir et l’aliénation découvrent qu’ils criaient pour ne rien dire, et se taisent, pensifs. À quoi pensent-ils ? Attendons un peu. Je crois que ceux qui se sont hâtés de le leur expliquer se sont un peu hâtés. Les Français ont la tête philosophique. Ce que l’on prend pour silence pourrait être plutôt méditation, fortement justifiée par l’histoire récente. Il faut savoir attendre. En attendant, donc, on me permettra de rappeler que les « grandes questions » présumées mortes se portent bien, toujours entretenues sous d’autres noms par les savants. Un physicien anglais, Paul Davies, vient de publier fin 83 un livre salué par New Scientist comme le livre de l’année : « Dieu et la nouvelle physique » (a)3. Étonnant, isn’t it ? On se demande ce que la physique peut avoir à dire à Dieu. Lisons donc. Dès son Introduction, Davies annonce qu’il va parler de physique à propos de ce qu’il appelle « les quatre grandes questions de la vie » : – Pourquoi y a-t-il quelque chose ? – Pourquoi les choses sont-elles telles qu’elles sont ? – Pourquoi la Nature a-t-elle les lois qu’on lui voit ? – Comment l’organisation de la nature se réalise-t-elle ? Il est clair que les physiciens ignoraient la mort et l’inhumation de ces questions-là. Bien entendu, le Dieu dont nous parle Davies n’est pas le nôtre, le Dieu vivant. C’est le Dieu-hypothèse, celui des philosophes et des savants, celui même des théologiens qui se croient modernes, mais n’ont rien appris depuis Renan et Auguste Comte. Et, ma foi, de ce point de vue, on peut remercier Davies d’un joli coup de balai, très réjouissant4. On comprend pourquoi il n’en parle pas et que ce n’est pas l’affaire d’un physicien. Mais ayant lu son livre passionnant, on aimerait qu’il dise avec plus de netteté que le croyant ne considère pas la foi comme une hypothèse scientifique vérifiable. La foi est une expérience personnelle aussi intransmissible que la grâce, bien plus primordiale que toute idée, interior intimo meo, comme dit saint Augustin. Sous cette seule réserve5, le livre de Davies est un tour de force d’explications et de réflexion. Les plus difficiles concepts de la physique y sont exposés dans le langage ordinaire. Rien de comparable n’avait été tenté pour mettre ces concepts à la portée du lecteur profane et attentif depuis le livre inégalé de Feynman, « La Nature des lois physiques » (b)6. Plutôt que de tenter un impossible résumé7, je proposerai quelques réflexions sur l’un des dix-sept chapitres, celui que Davies consacre au « facteur quantique ». Ne nous effarouchons pas du titre, l’exposé est d’une merveilleuse limpidité. L’auteur montre comment deux découvertes apparemment insignifiantes ont conduit les physiciens à approfondir l’idée « d’être », obsession des philosophes. Première découverte : en 1800, Thomas Young démontre et explique les interférences lumineuses. Deuxième découverte : en 1905, Einstein prédit l’effet photoélectrique. Peu importe ce que sont les interférences lumineuses et l’effet photoélectrique, d’ailleurs très faciles à comprendre séparément. L’important est que, séparément, elles sont philosophiquement insignifiantes : la première donne à voir des bandes alternativement sombres et lumineuses sur un écran, la deuxième, un peu plus compliquée, montre que l’électricité n’est pas un fluide, mais une particule : l’électron, et qu’il en est de même de la lumière. Voilà donc deux de ces petits faits tenus pour frivoles depuis Socrate, bons à ne passionner que des professeurs Nimbus. Sincèrement, le Connais-toi toi-même n’est-il pas plus important ? Où sont les thèses sur le statut ontologique de l’onde de probabilité ? Seulement, il se trouve que quand on examine avec soin ces deux faits à la fois, on découvre qu’ils sont incompatibles avec la logique ordinaire, celle du langage aussi bien que des principes rationnels universellement admis depuis Aristote. Pour les comprendre, on est obligé d’admettre que tout dans la nature à la fois est et n’est pas, en contradiction avec le principe fondamental de la logique, le principe d’identité. En effet, sauf dans les expériences préparées en laboratoire en vue de mesures, il faut que la nature soit faite d’ondes de probabilités que l’on peut très bien calculer, mais où rien ne se trouve localisé ni dans le temps ni dans l’espace. Telle est la nature entière, y compris notre corps, dès qu’on l’examine dans ses petites structures au-delà de la molécule et de l’atome, qui font les grandes structures perçues par nos sens. Transféré à notre échelle, le « très petit » prendrait la forme paradoxale et impensable du fameux chat de Schrödinger, à la fois vivant et mort. Encore que ce chat à la fois vivant et mort soit bien moins paradoxal que les véritables structures du très petit, où, en dehors des mesures de laboratoire, tout est à la fois et n’est pas. Ayant déjà effleuré ces questions dans un précédent article8, j’ai été interrogé par des lecteurs : une telle vision de la Nature ne revient-elle pas à ôter toute réalité au monde extérieur ? Si ce qui est n’est pas, alors qu’est-ce qui est ? Et d’ailleurs comment accepter ce charabia ? Eh bien, à mon avis, c’est là que l’on aurait besoin des philosophes mystifiés depuis trop longtemps par les leurres politiques (c). Ils ont du pain sur la planche. On connaît l’onde de probabilités depuis un demi-siècle. Pourquoi physiciens et mathématiciens sont-ils si seuls à sonder ces mystères jamais imaginés avant que la Nature nous les impose ? Où sont les thèses sur le Statut ontologique de l’onde de probabilités ? Proposons quelques mots sur ces deux questions. Si ce monde « est et n’est pas », que signifie « Je suis Celui qui Est » ? D’abord le charabia traduit fidèlement l’impossibilité de parler de la Nature, telle que la révèle la physique, dans le cadre de la logique classique. Il faut choisir : ou la seule logique d’Aristote et du langage courant, ou la Nature. Ce n’est pas dramatique. Les physiciens ont créé une logique quantique jusqu’ici parfaitement adéquate. Cette logique marche si bien que vous en voyez l’effet chaque fois que vous regardez la télévision. L’écran fonctionne dans cette logique-là. La logique quantique comporte d’ailleurs intégralement celle d’Aristote, mais autre chose aussi, que rien n’annonçait. Deuxième question : la réalité du monde extérieur. Les philosophies idéalistes classiques croyaient pouvoir répondre par oui ou non. Eh bien, la vérité est plus intéressante que cette alternative, plus riche, plus profonde. Il faut réfléchir davantage au sens du mot réalité. (d) Mais une question m’intéresse plus que toute autre : si tout dans la Nature est et n’est pas, que signifie « Je suis Celui qui Est »9. Je ne me pose jamais cette question sans me sentir gonflé de joie. On croyait avoir tout dit sur la formidable parole. On n’avait rien dit du tout. Il faut toujours recommencer. Aimé MICHEL (a) Paul Davies : God and the New Physics (Dent, édit. Londres 1983). Avis aux éditeurs français : il n’est pas encore traduit10. (b) Richard Feynman : La Nature des Lois Physiques (Robert Laffont, édit. Paris, 1970). (c) Leurre éternel, puisque Platon rêvait déjà d’être l’Attali de Denys le tyran11. (d) Les physiciens réfléchissent depuis 50 ans au « principe de réalité » d’Einstein, et là aussi ils sont un peu seuls. Chronique n° 387 parue dans F.C.-E. – N° 1947 – 6 avril 1984 [|Capture_d_e_cran_2014-11-10_a_12-28-10.png|]
Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 18 janvier 2016

 

  1. Le titre originel de cette chronique était « Quand les physiciens relaient les philosophes : LE RETOUR EN FORCE DES GRANDES QUESTIONS ». J’ai inversé ces deux lignes pour m’adapter au format du site. Je rappelle que, sauf exception comme cette fois, le titre est d’Aimé Michel et le sous-titre de moi.
  2. Le « très présidentiel porte-parole » en question, en 1984, était, sauf erreur, l’historien Max Gallo, qui vient aujourd’hui d’entrer à l’Académie Française. [Note de Bertrand Méheust de 2007] C’était le 31 mai 2007 et Max Gallo venait s’asseoir sur le siège occupé précédemment par Jean-François Revel. Ce fils d’immigrés italiens du Piémont, né en 1932 à Nice, qui avait commencé sa vie professionnelle comme technicien à la radio, n’abandonna jamais sa passion de l’histoire, passa l’agrégation, devint professeur de lycée puis maître-assistant à l’université. Il doit sa célébrité à ses romans et essais historiques, dont plusieurs sont des best-sellers comme La Baie des Anges parue en 1975-1976 et vendue à près de 700 000 exemplaires. Militant du Parti communiste jusqu’en 1956, il rencontre François Mitterrand en 1976 lors d’une émission de télévision et devient membre du Parti socialiste en 1981. Il est élu député des Alpes-Maritimes mais échoue à ravir la ville de Nice à Jacques Médecin en 1983. Cette année-là il est nommé secrétaire d’État, porte-parole du gouvernement Mauroy (son directeur de cabinet est François Hollande) mais quitte le gouvernement l’année suivante. En 1992, il quitte le Parti socialiste pour fonder le Mouvement des citoyens avec Jean-Pierre Chevènement, dont il soutient la candidature à la présidence (2002). Son discours gaulliste et bonapartiste le conduit à soutenir celle de Nicolas Sarkozy en 2007.
  3. À la fin du mois d’août 1984, j’avais rendu visite Aimé Michel dans son village des Alpes quelques mois après qu’il eut écrit cette chronique (j’ignorais à l’époque qu’il écrivait dans France Catholique et il ne m’en parla pas). Je me souviens qu’il m’avait parlé avec chaleur de God and the new physics. Il m’avait même laissé son exemplaire du livre pour que je le lise au plus vite et il m’avait demandé de lui procurer Other worlds, le livre précédent du même auteur. C’est ainsi que je découvris Paul C. W. Davies, étoile montante de la vulgarisation scientifique, que je n’ai cessé de suivre depuis de loin en loin… Né à Londres en avril 1946, Paul Davies a étudié la physique à l’University College de Londres où il a passé son doctorat en 1970 avant d’y enseigner les mathématiques pendant 8 ans. Ses recherches ont porté sur de nombreux aspects de la physique fondamentale et de la cosmologie. Auteur prolixe, il a acquis une renommée internationale en tant que vulgarisateur de la physique par de nombreux livres et articles destinés au grand public et par ses interventions dans des émissions de radio et de télévision. Il a aussi écrit des ouvrages plus techniques comme The physics of time asymmetry (University of California Press, 1977) et The accidental universe (Cambridge University Press, 1982) qui montrent sa passion de toujours pour les « grands problèmes ». A l’époque où il écrivait God and the new physics, Davies était professeur de physique théorique à l’université de Newcastle. En 2004, il était à l’université Macquarie à Sydney, avant de rejoindre l’Arizona State University. En 2005, il accepta de présider un groupe de l’Académie Internationale d’Astronautique chargé de réfléchir aux conséquences qu’auraient la détection radio d’une civilisation extraterrestre (voir la note 6 de la chronique n° 265, Vous y croyez, vous, aux extraterrestres ? – Un formidable problème : la pensée non humaine dans le vaste univers des étoiles, 09.11.2015). Davies s’intéresse aussi actuellement au cancer dans le cadre d’un programme de l’Institut national (américain) du Cancer visant à impliquer des physiciens dans l’étude de cette maladie.
  4. Pour rendre ce propos un peu plus concret voici un exemple parmi d’autres d’un raisonnement de Paul Davies à propos de Dieu : « Se pourrait-il que l’univers soit comme il est parce qu’il est une conséquence inévitable d’une nécessité logique ? Le grand savant français Jean d’Alembert a écrit : “Pour quelqu’un qui pourrait saisir l’univers d’un unique point de vue, la création entière apparaitrait comme une vérité unique et nécessaireˮ. C’est une idée qui jette une curieuse lumière sur la question de l’omnipotence divine. (…) On a signalé qu’un créateur omnipotent pourrait façonner n’importe quel univers qu’il désirerait. Les chrétiens affirment que cet univers particulier peut s’expliquer par le choix de Dieu parmi un nombre infini de solutions, pour des raisons inconnues de nous. Mais même un Dieu omnipotent ne pourrait briser les règles de la logique. Dieu ne peut pas faire que 2 = 3, ou faire d’un carré un cercle. La supposition hâtive que Dieu peut créer n’importe quel univers doit être qualifiée par la restriction qu’il soit logiquement cohérent. Or, s’il n’existe qu’un univers logiquement cohérent alors Dieu pourrait n’avoir effectivement eu aucun choix. » (p. 222) (Remarquons au passage que cette discussion n’est pas sans analogie avec celle opposant Jacques Monod à Ilya Prigogine à propos de l’origine de l’ordre biologique, discussion que j’ai résumée la semaine dernière dans la note 6 de la chronique n° 295, « À notre image et ressemblance… » – Objections à François Jacob (suite). La sélection naturelle choisirait soit entre une infinité de variantes possibles selon Monod, qui serait alors curieusement dans la position du théologien de Davies, soit entre quelques-unes seulement imposées par des contraintes dynamiques selon Prigogine). Autre exemple emprunté à David Hume (p. 143) : l’idée d’un Créateur omniscient et bienveillant paraît contradictoire. En effet, si Dieu ne peut empêcher le mal alors Il n’est pas omnipotent ; et s’Il est omnipotent alors il est responsable du mal et n’est pas bienveillant. De même, la possibilité pour un Dieu omnipotent de renoncer en partie à sa toute-puissance, par exemple en créant un univers vraiment indéterministe ou un homme doté de libre arbitre capable d’agir contre Lui, conduit aussi à des problèmes logiques. Et d’ailleurs que signifie choisir pour un être situé hors du temps ? Le « joli coup de balai » de Paul Davies qui réjouit si fort Aimé Michel est peut-être de faire toucher du doigt la fragilité de tout raisonnement humain sur Dieu. Que peut dire l’homme sur Dieu quand sa logique peine sur l’électron (cf. chronique n° 3, L’univers est-il intelligible ?, 22.06.2009) ? Je ne suis pas sûr que ce soient les seuls « théologiens qui se croient modernes » que Michel vise ici et non pas toute théologie raisonneuse qui ne parvient à se faire de Dieu qu’une image d’homme agrandi, même si infiniment agrandi. Au demeurant il avoue « ne rien entendre à la théologie » (chronique n° 376, Du bon usage de la baleine – Pourquoi je prends la mystérieuse baleine de Jonas comme on la conte, 04.05.2015) et pour lui Dieu échappe résolument à toute conception humaine. Il ne cache d’ailleurs pas son scepticisme railleur à l’égard de ces théologiens encombrés par leur logique simpliste et les conflits entre science et religion qui en découlent, voir par exemple les chroniques n° 87, L’énigme du deuxième cadavre (10.05.2010), n° 239, Relectures groucho-marxistes (21.12.2012) ou encore n° 319, Un petit caillou sur la berge : qui peut scruter au télescope le mystère divin ? – Une pensée scientifique libérée du concordisme, du dogmatisme et de l’athéisme, 16.02.2015).
  5. Cette réserve, qui peut paraître mineure, est en réalité essentielle. Elle établit une distinction qu’on retrouve sous plusieurs formes dans ces chroniques et stipule la prééminence de la conscience qui est leur clé de voûte. Toutefois, Davies n’ignore pas complètement cette dimension intérieure de la foi religieuse. Elle apparaît en négatif, si je puis dire, dans sa préface quand il écrit : « Ce n’est pas un livre sur la religion. (…) En particulier, je ne tente pas de discuter des expériences religieuses ou des questions de moralité. » (p. viii, c’est moi qui souligne). Plus loin il écrit « De nombreux scientifiques raillent les vérités révélées. (…) Néanmoins, ceux qui ont eu des expériences religieuses considèrent invariablement leur propre révélation personnelle comme une base plus solide de croyance que bon nombre d’expériences scientifiques. En fait, de nombreux scientifiques professionnels sont aussi profondément religieux et ont apparemment peu de difficulté intellectuelle à permettre la coexistence pacifique des deux faces de leur philosophie. » (p. 7). Il souligne à ce propos que l’essor de la nouvelle physique s’est accompagnée d’un accroissement considérable de l’intérêt pour les implications philosophiques profondes de la science. Il cite sur ce point en l’approuvant un collègue qui, après avoir lu les écrits d’Einstein, Bohr, Schrödinger et Dirac, se rendit compte qu’ils n’étaient pas des hommes détachés et sans émotion mais des hommes « poétiques et religieux qui imaginèrent des immensités peu familières au point de rendre (…) le “paranormalˮ presque terre à terre en comparaison. » Cette dimension poétique et religieuse des « nouveaux physiciens », qui n’est évidemment pas étrangère à Davies lui-même, demeure un sujet d’étonnement pour beaucoup tant elle contraste avec l’image de la physique que donne l’enseignement scolaire. Aimé Michel s’est toujours plu à souligner ce contraste (voir la chronique n° 51, La science au cou raide, 29.12.2010) et à montrer à quel point l’image du monde de la nouvelle physique s’éloigne de la conception commune issue de la physique classique.
  6. Aimé Michel a de nombreuses fois conseillé la lecture de cet excellent petit livre du grand physicien Richard Feynman, prix Nobel en 1965 (voir les chroniques n° 3, L’univers est-il intelligible ?; n° 13, La physique en panne ; n° 285, La dernière serrure – Un monde en dehors de l’espace et du temps, 20.01.2014 ; n° 342, Au cœur de l’infini labyrinthe, une obscure clarté – Nouvelles réflexions sur les ondes et les particules, la relativité et les quanta, 16.11.2015). Ce conseil reste judicieux aujourd’hui.
  7. Effectivement il est bien difficile de résumer un tel livre et je ne m’y risquerai pas non plus. Non seulement parce que sa construction est très britannique, je veux dire peu soucieuse d’une organisation linéaire à la française, mais surtout parce qu’il balaye large. Qu’on en juge : chapitre après chapitre (que je donne ici dans l’ordre) il traite de la genèse de l’univers, discute l’argument cosmologique du premier moteur, se demande ce qu’est la vie et l’esprit, expose les fondements de la physique quantique, s’interroge sur le passage du temps, le libre arbitre et le déterminisme, dissèque la structure de la matière, introduit l’ordre, le chaos et l’énigme de la valeur des constantes fondamentales, discute des miracles, décrit la fin de l’univers et conclut sur « la conception de la nature du physicien ». Le tout accompagné de multiples références qui ne laissent aucun doute sur l’étendue et la pertinence de ses lectures et qui illustre avec brio un genre régulièrement pratiqué depuis plusieurs siècles : la théologie naturelle. Je vais plutôt laisser la parole à Paul Davies. « Ce n’est pas un livre sur la religion, explique-t-il au début. C’est plutôt un livre sur l’impact de la nouvelle physique sur ce qui était auparavant des questions religieuses. (…) Ce n’est pas non plus un livre de science. C’est un livre sur la science et ses implications plus larges. » (p. viii). C’est la perception de l’univers d’un physicien convaincu que le monde est encore plus vaste qu’il n’y paraît mais qui sait qu’il y a beaucoup d’autres d’opinions à ce sujet. « Dans de nombreux cas les vieilles idées religieuses ne sont pas tant réfutées que transcendées par la science moderne. En regardant le monde sous un angle différent, les scientifiques peuvent fournir des éclairages frais et de nouvelles perspective sur l’Homme et sa place dans l’univers » (p. 3). Et voici sa conclusion finale : « Dans les chapitres précédents, dans notre recherche de Dieu, nous avons cherché à travers toute l’étendue de la physique moderne – les nouvelles idées sur l’espace et le temps, l’ordre et le désordre, l’esprit et la matière. Une bonne partie de ce qui a été présenté confirmera sans doute l’opinion de certains que la science est implacablement opposée à la religion et continue de menacer les bases mêmes de la plupart des doctrines religieuses. Ce serait folie de nier que nombre des idées religieuses traditionnelles sur Dieu, l’homme et la nature de l’univers ont été balayées par la nouvelle physique. Mais notre recherche a déniché aussi de nombreux signes positifs. L’existence de l’esprit par exemple, en tant que structure abstraite, holistique, organisationnelle, capable même de se séparer du corps, réfute la philosophie réductionniste que nous ne sommes rien d’autre que des monceaux mobiles d’atomes. (…) C’est ma profonde conviction que c’est seulement en comprenant le monde dans tous ses nombreux aspects – réductionniste et holiste, mathématique et poétique, par des forces, des champs et des particules autant que par le bien et le mal – que nous en viendrons à nous comprendre nous-mêmes et à comprendre la signification de l’univers, notre patrie. » Pas de doute, au moins pour ce qui est de la science, Paul Davies et Aimé Michel sont bien sur la même longueur d’onde.
  8. Dans la chronique n° 385, L’étoffe du monde nous échappe – N’y a-t-il d’être qu’esprit ? (14.12.2015), où il propose que seul l’esprit (la conscience) « est » véritablement.
  9. Sur cette célèbre déclaration voir la note 2 de la chronique n° 326, L’amour n’est pas une erreur de la nature – Nous cherchons librement notre achèvement dans un monde infiniment compliqué (03.03.2014).
  10. À ma connaissance, ce livre n’a pas été traduit en français. Sauf quelques exceptions, parmi lesquelles on peut citer L’esprit de Dieu (disponible en poche, coll. Pluriel), Les forces de la Nature (de même, coll. Champs, Flammarion), Le Big Crunch (Hachette, 1998), Comment construire une machine à explorer le temps (EDP Science, 2007) et La nouvelle physique (Flammarion, 1994), gros ouvrage de synthèse qu’il a dirigé, ses autres livres n’ont pas été traduits non plus. La version originale de plupart des livres de vulgarisation de Paul Davies sont disponibles en livre de poche (Penguin). Apparemment, ils se vendent toujours bien.
  11. Jacques Attali, polytechnicien, docteur en sciences économiques de l’université Paris-Dauphine, avait séduit François Mitterrand qu’il convertit, dit-on, à l’économie. Il en fut le conseiller spécial à l’Élysée de 1981 à 1991, donc pendant tout le premier septennat (1981-1988) et le début du second (1988-1995). Il plaida pour la rigueur économique (voir aussi la note 9 de la chronique n° 376, Du bon usage de la baleine, 27.04.2015) et organisa le sommet du G7 de juin 1982 à Paris. Cela ne l’empêcha pas d’écrire une dizaine de livres (mémoires, essais, romans) durant cette période de dix ans. Par la suite, il apporta sa contribution sur des questions économiques à Nicolas Sarkozy, en 2007, et à François Hollande, en 2012.