Le retour du père Bio* - France Catholique
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La justice de Dieu
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Le retour du père Bio*

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C’est la surprise bioéthique de la rentrée : l’anonymat du don de gamètes serait remis en cause. Ce principe français, défendu par la plupart des praticiens de l’assistance médicale à la procréation (AMP), est contesté par des personnes conçues par insémination artificielle ou fécondation in vitro avec donneur. Au premier rang desquels Arthur Kermalvezen. Tenace et rebelle, le jeune homme a tenu tête aux médecins de la procréation dans des colloques et des émissions, empoisonnant le « consensus » qu’ils étaient censés défendre. Son livre Né de spermatozoïde inconnu a lancé l’offensive en 2008. Il y décrit les affres que peuvent endurer les personnes qui ont été privées de toute information sur leur origine biologique : ne peuvent-elles croiser à tout moment – dans la rue – leur père biologique, mais aussi un demi-frère ou une demi-sœur, avec l’inquiétude de transgresser involontairement le tabou de l’inceste ? Nous priver délibérément de savoir d’où l’on vient, c’est un déni de nos droits fondamentaux, proteste en substance l’auteur. Vous êtes une infime minorité ont rétorqué ses adversaires. Mais les personnes nées d’un donneur ou d’une donneuse anonyme sont près de 1 300 chaque année sur les quelque 20 000 naissances issues d’AMP. Et les médias ont relaté maints témoignages d’un trouble indéniable. Il ressemble à celui des personnes nées sous X, à la différence que l’accouchement sous X est décidé après la conception de l’enfant concerné, et, en principe, dans son intérêt. D’ailleurs, la loi a adouci ce processus pour donner à un enfant adopté après être né sous X la possibilité d’avoir un jour accès à ses origines biologiques.

Organisés au sein de l’association Procréation médicalement anonyme (PMA), les promoteurs de la levée de l’anonymat ont défendu leur cause au plus haut niveau législatif et gouvernemental. Leur argumentation est imparable : de quel droit ce qui concerne l’histoire biologique mais aussi la santé d’une personne (les antécédents médicaux des donneurs sont précieux à l’heure de la médecine prédictive) serait-il entre les mains d’un médecin procréateur et non entre les siennes ? Devrait-on « infantiliser » ceux qu’on a conçus dans une forme de toute-puissance technique ? Quand on apprend que beaucoup des pionniers de l’AMP ont aussi été des pionniers du don de sperme (ne serait-ce que pour fournir la matière première à leurs expérimentations) on découvre que le débat ne se situe pas seulement entre « procréateurs » et « procréés ». Il peut aussi cacher une controverse entre des « géniteurs anonymes » et leurs enfants ! Du côté des couples ayant eu recours aux donneurs pour pallier leur infertilité, les réactions sont ambivalentes. Les parents d’Arthur ont courageusement épousé son combat. Mais d’autres craignent l’irruption des donneurs dans la vie de leur enfant. Les partisans de l’anonymat mettent en avant une « parentalité sociale » leur permettant de relativiser ou d’ignorer la « parentalité biologique ». Ils prédisent une vaste confusion des repères. Sans oublier leur crainte d’un effondrement des dons de gamètes, à partir du moment où les donneurs seraient « menacés » par la quête de leurs enfants biologiques comme c’est parfois le cas aux États-Unis où le don est nominatif.

Le projet de loi annoncé par Roselyne Bachelot, ne devrait per­mettre l’accès qu’à des « données non identifiantes » (hérédité médicale, taille, niveau socioprofessionnel, origine géographique) et à la majorité des enfants concernés. L’identité du donneur ne serait livrée que si ce dernier l’accepte. C’est toutefois une brèche symbolique qui réjouit Pauline Tiberghien, la présidente de PMA. Elle-même médecin d’AMP, elle se bat pour que le droit d’accéder à ses origines biologiques soit reconnu.
On imagine mal la reconnaissance de ce droit résoudre tout le trouble lié à l’AMP. Cette évolution pourrait même permettre de lever le couvercle sur les lourdes conséquences de l’éclatement de la filiation que le principe même du don de gamètes induit. C’est l’avis de ceux qui, tout en militant pour la levée de l’anonymat, considèrent que ces gamètes – du fait de leur fonction procréative – devraient être incessibles. L’État dépense l’argent du contribuable pour des campagnes appelant les Français à donner « généreusement » leurs gamètes. C’est une injonction immorale pour ceux qui estiment que concevoir des êtres humains à partir de donneurs qui ne pourront pas les élever est une injustice pour tous.

* biologique.