Le rôle des intellectuels dans la vie sociale et politique est un thème récurent en France, un des pays qui s’honore le plus au monde du prestige de son intelligentsia. Pardon d’employer ce terme russe, pour désigner un phénomène hexagonal. Il me semble qu’il fut un temps où, à Saint-Petersbourg on pouvait utiliser le simple terme d’intelligence, à l’heure où la langue française était reine. Mais il s’agissait peut-être de la vie intellectuelle en général et dans toute son ampleur, qui recouvre la littérature et le domaine des arts. L’intelligentsia désignerait plutôt l’ensemble des intellectuels engagés, dont la généalogie remonte au XVIIIe siècle. Les intellectuels s’appelaient alors les philosophes avec Voltaire, Rousseau, Diderot et quelques autres. On connaît le mot du général de Gaulle : « On ne met pas Voltaire en prison ». Il voulait parler de Sartre qui s’était distingué par un appel à l’indiscipline militaire.
On se demande, ici ou là, si ce type d’intellectuel n’est pas en train de renaître, sous une forme individuelle ou collective. Le sujet est intéressant, mais je voudrais aujourd’hui me concentrer sur une figure presque aussi célèbre que celle de Sartre, et qui redevient brusquement d’actualité, grâce à la publication d’un inédit. Je veux parler de Michel Foucault dont Gallimard publie un quatrième volume de son Histoire de la sexualité. Je suis particulièrement touché par l’événement, parce que Michel Foucault m’avait parlé, lors d’un entretien, des recherches qu’il accomplissait alors sur le thème de la sexualité dans le christianisme, qui l’amenaient à faire de longues lectures des Pères de l’Église. Rien, me disait-il, n’est plus inexact que l’idée que les chrétiens seraient les ennemis du corps et de la chair. C’était alors une idée en vogue dans les médias.
Sa mort survenue prématurément n’avait pas permis la publication du quatrième tome de cette Histoire de la sexualité resté inachevé. Néanmoins, l’état du manuscrit a permis à Gallimard de l’offrir au public, plus de trente ans après la mort de Foucault. J’ai le sentiment qu’il y aura pour tous, et notamment pour les chrétiens, un grand intérêt à saisir sa pensée sur un sujet qui est en lien direct avec toute une actualité que nous vivons depuis des années, à propos de l’amour, de la famille, de l’homme et de la femme. L’affaire est non seulement à suivre mais à saisir au plus vite.