Le retour de l'inflation - France Catholique
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Le retour de l’inflation

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Le retour de l’inflation

On croyait l’inflation vaincue. Elle fait un retour en force. Les chiffres sont accablants : 3,2% de hausse des prix en France en un an, 3,7% dans la zone euro, 4,2% aux États-Unis. Aucun pays n’est épargné : « Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés ». 15,1% en Russie, 7,7% en Chine, 11% en inde. Du jamais vu depuis plus de vingt ans. Les ménages ont le sentiment que la hausse est encore plus forte, car ils sont sensibles à certains dérapages : les prix du fuel ont progressé de 47,5% en un an, ceux du lait ou des œufs de 13,6%, ceux du pain de 9,6%.

Faut-il s’en inquiéter ? C’est que l’inflation est une drogue : facile à attraper, difficile à soigner. Les familles subissent de plein fouet cette hausse, qui s’attaque à un pouvoir d’achat déjà bien entamé : cette année, selon l’INSEE, la hausse des prix devrait dépasser celle des revenus.
Mais c’est toute l’économie qui est fragilisée par l’inflation. Certes, il est normal qu’il y ait des prix qui montent, pour indiquer les raretés (comme le pétrole) ; il est normal qu’il y ait des prix qui baissent, pour indiquer les secteurs où l’on produit trop : ce sont les signaux de prix qui indiquent nos choix et orientent les entreprises. Ce qui n’est pas normal et représente une maladie économique, c’est lorsque la majorité des prix est en hausse : c’est cela, l’inflation. Dans ce cas, les signaux envoyés par les prix (des « vecteurs d’information » comme disait F. Hayek) sont totalement brouillés. On ne sait plus les interpréter, donc on ne sait plus quels sont les choix des clients et les entreprises sont déboussolées : elles risquent de faire de mauvais choix, ou d’attendre des jours meilleurs ; à terme, c’est toute l’économie (croissance, emploi) qui est touchée.

Il faut donc lutter contre l’inflation. Mais pour soigner, il faut connaître les causes de la maladie. Il faut d’abord écarter les fausses pistes. La plus ancienne est la fixation autoritaire des prix par l’État (le « contrôle des prix ») : on interdit la hausse des prix ; cette politique a eu partout les mêmes résultats : les produits disparaissent aussitôt, et réapparaissent au marché noir ; c’est la pénurie sur les marchés ; comme on disait dans les pays de l’Est, qui pratiquaient cette politique, « ce n’est pas cher, mais il n’y en a pas ». Autre mauvaise politique, le « freinage keynésien » (du nom de l’économiste Keynes) : on réduit à tout prix la demande par exemple en réduisant l’investissement ; ce faisant, c’est la croissance économique qu’on condamne.

En réalité, il y a deux causes à l’inflation. La première est monétaire : l’excès de création de monnaie, au-delà des capacités de production, se traduit en hausse des prix, « trop de monnaie chassant après trop peu de biens ». En ce moment, dans la zone euro, la masse monétaire (M3) augmente de 11 % par an. Contrairement à ce qu’on pense, la Banque centrale européenne est donc trop laxiste. La quantité de monnaie ne devrait pas progresser de plus de 5% par an : l’excédent n’est que du vent : il n’y a pas de richesses réelles en face.
L’autre cause de l’inflation, c’est l’in­suffisance de la concurrence, car la concurrence fait baisser des prix. En France, de nombreuses professions refusent de s’ouvrir à la concurrence, y compris en manifestant bruyamment. Or la vie économique ne doit pas fonctionner pour les professionnels, mais pour les clients, c’est-à-dire nous tous.

Le retour à la stabilité des prix est à ce double prix : rigueur monétaire et concurrence accrue.

Jean-Yves NAUDET
professeur à l’université Paul Cézanne (Aix-Marseille III), président de l’association des économistes catholiques