Au terme d’une année qui fut marquée en France par deux événements d’une rare cruauté, il n’est pas étonnant que l’on revienne, ici ou là, sur les rapports « de la violence et du sacré », pour reprendre l’expression de René Girard. Je serais vraiment le dernier à m’en étonner ou scandaliser, pour en avoir repris la thématique à diverses reprises dans mes chroniques. Par contre, je constate que la façon dont les médias abordent le sujet n’est pas toujours dépourvue de présupposés et d’arrière-pensées. Il est plus qu’abusif de mettre aujourd’hui tous les phénomènes religieux à l’intérieur d’une même catégorie, afin de dresser une sorte de réquisitoire univoque. Je sais bien que la plupart du temps il s’agit de protéger l’islam de ce qu’on appelle les amalgames. Il est donc plus commode d’incriminer les religions dans leur ensemble et ainsi de se prémunir du reproche infamant d’islamophobe.
Mais ce n’est pas très honnête. La violence qui parcourt le monde en ce moment n’a rien à voir avec le christianisme. Cela fait longtemps que les papes incarnent, pour ne donner que ce seul exemple, la voix du dialogue et de la résolution pacifique des conflits. Depuis Benoît XV voulant mettre fin à la tragédie de la Première Guerre mondiale jusqu’à François, il y a une continuité sans failles. Bien sûr, il y a nécessité impérieuse de dissocier les musulmans pacifiques et révoltés contre les cruautés islamistes, des organisations terroristes. Mais cela ne peut se faire au prix de subterfuges et de mensonges, qui pour le coup ressemblent beaucoup à des amalgames.
J’ai déjà exprimé l’idée que c’était en particulier aux autorités spirituelles de l’islam d’entreprendre un travail de discernement à travers leurs propres traditions, pour se garder des pièges du fondamentalisme et d’une sorte de sacré archaïque. La pensée de René Girard peut les y aider, d’autant qu’il a montré la direction aux héritiers de la tradition judéo-chrétienne. L’auteur Des choses cachées depuis le commencement s’est adressé, en effet, à ses propres frères dans la foi, pour leur recommander la lecture critique de leurs Écritures, afin de se libérer définitivement de la fascination d’un divin violent.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 29 décembre 2015.