Michel Houellebecq, Prix Goncourt 2010, c’est sans doute la nouvelle la moins inattendue. Il ne fait de doute pour personne que cet écrivain, à la fois atypique et terriblement contemporain, devait absolument recevoir cette consécration, due non seulement à son talent incontestable, mais au fait non moins incontestable qu’il coïncide exactement avec l’esprit du temps. Un esprit qu’il révèle avec parfois une dureté impitoyable, bien que, pour cette fois, avec le roman consacré, La carte et le territoire, certains y aient discerné comme un accent de compassion qui manquait singulièrement au précédents ouvrages de l’auteur ultra-célébré des Particules élémentaires.
Que dire de l’absence de style de Houellebecq, que stigmatisait déjà un critique aussi sagace que Michel Crépu, sinon qu’elle reflète un projet quasi-sociologique de peinture des mœurs qui exige ce caractère froid, désolant des descriptions. C’est vrai qu’ainsi il est très en-deçà d’un Céline qui pouvait décrire la misère humaine en suscitant un nouveau registre de la langue, avec un vrai génie qui créait la prouesse stylistique. Rien de tel ici, où notre morne humanité n’admet que la grisaille de ses sentiments dans un horizon bas et clos. Est-ce à dire que c’est le dernier mot de Houellebecq, sa conviction définitive sur le destin de notre caravane ? Ce n’est pas sûr. L’homme fait parfois ses confidences et l’on découvre qu’il y a un autre Michel qui perçoit d’autres musiques de l’âme, avec même une prédilection parfois avouée pour Péguy et Bernanos. Mais il est vrai aussi que tout semble fluctuer. Dans La carte et le territoire, Michel Houellebecq met en scène ses propres funérailles à l’église Saint-Sulpice. Comment interpréter cette malice ou ce clin d’œil ? Y aura t-il un après Houellebecq, une ouverture de ses horizons?
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 10 novembre
