Il y a quelque chose de comique dans la vanité. Elle rend l’homme ridicule. Bien sûr, c’est principalement une offense envers le Dieu tout-puissant et une absurdité théologique : la revendication que les dons de Dieu sont votre propre réussite. Mais dans l’optique chrétienne, l’absurdité de la vanité se présente comme stupidité. Les anciennes histoires païennes présentent la vanité comme tragique. Mais les chrétiens savent que la vanité a été vaincue. Nous pouvons en rire et créer des histoires pour s’en moquer. D’où les personnages littéraires tels que le Falstaff de Shakespeare, le M. Bumble de Dickens et l’empereur nu d’Andersen.
Mais avant qu’aucun de ces auteurs n’entre en scène, Notre Seigneur Lui-même a peint un portrait amusant de l’idiot prétentieux dans la parabole du pharisien et du publicain (Luc 18:9-14). Il nous dit que le pharisien, convaincu de sa propre vertu, se met en position pour prier. Nous pouvons facilement imaginer la position que prendrait un tel homme : poitrine gonflée, nez en l’air, sourcils levés. Pour faire court, la posture de l’homme hautain et distant qui ignore à quel point il a l’air ridicule.
Plus ridicule encore, le parisien se met alors à prier, mais à se prier lui-même, si vous y portez bien attention. C’est inévitable pour l’homme orgueilleux, car il ne regarde personne comme supérieur à lui. En effet, il n’a personne d’autre à prier. Pour lui, Dieu n’est pas quelqu’un avec qui parler, mais rien que l’opportunité de se parler à lui-même de son thème favori : lui-même. Il peut bien prendre le prétexte de parler à Dieu, sa prière est finalement autoréférentielle.
Cette prière auto-centrée révèle un effet inévitable de la vanité : elle nous isole. Elle nous rend si introvertis que nous devenons incapables d’un vrai dialogue ou de véritables relations. Nous devenons si centrés sur nous-mêmes – que ce soit par vanité ou insécurité – que nous ne pouvons pas voir les autres. L’homme véritablement vaniteux peut bien parler aux gens, il ne parle jamais avec eux.
Maintenant, si la vanité n’était qu’affaire de prétentieux ridicule, ce serait amusant mais guère plus. Mais la vanité tend à devenir cruelle. Pour préserver son minable royaume du soi, l’homme orgueilleux doit repousser quiconque est perçu comme prétendant au trône. Comme Notre Seigneur le met en évidence, les orgueilleux ne sont pas seulement convaincus de leur propre vertu, ils méprisent également tous les autres. Par conséquent la prière idiote du pharisien est également malveillante : « O Dieu, je te remercie parce que je ne suis pas comme le reste de l’humanité – avide, malhonnête, adultère – ou même comme ce collecteur d’impôt ».
Par tout son dédain, cette prière révèle vraiment l’esclavage universel de l’orgueil. Remarquez que la bonne réputation du pharisien devant Dieu dépend de sa supériorité sur les autres. Il remercie, non pour la bonté de Dieu mais pour sa propre supériorité sur les autres. Il ne sait rien de l’amour tout simple de Dieu pour lui – non pour lui en comparaison avec les autres, mais pour lui tel qu’il est, fait à l’image et à la ressemblance de Dieu.
Cela fonctionne toujours ainsi. L’orgueil nous piège dans un cercle sans fin de comparaison et de compétition avec les autres en vue d’établir notre valeur aux yeux de Dieu. Cette évaluation produit inévitablement soit le dédain, si nous nous jugeons supérieurs, soit l’insécurité, si nous jugeons les autres supérieurs à nous. D’un côté comme de l’autre, l’âme ne connaît pas de repos.
Le collecteur d’impôts (ou publicain), par contre, révèle les simples bienfaits de l’humilité. Notre culture, naturellement, le considérerait non seulement comme un original mais comme une personne psychologiquement malade. Il semble trop dur avec lui-même : se tenant à distance, les yeux baissés et se frappant la poitrine. De toute évidence un cas de « faible estime de soi ».
Mais en fait, il s’est correctement estimé : « O Dieu, sois miséricordieux pour le pécheur que je suis ». Qui est en mesure de dire autre chose devant Dieu ? Cette humilité le libère pour dialoguer avec Dieu. Il parle directement à Dieu et non pas rien qu’à lui-même. De tels humbles mots l’amènent hors de l’isolement de l’orgueil et du péché et l’introduisent dans une authentique conversation avec Dieu. Sa simple prière l’ouvre à une relation avec Dieu, et par extension, avec les autres.
Notre Seigneur résume les différentes conséquences de l’orgueil et de l’humilité : qui s’élève sera abaissé et qui s’abaisse sera élevé. Maintenant, nous n’avons pas besoin de penser que Dieu est celui qui élève et abaisse. Le résultat procède inexorablement de l’orientation de nos âmes. L’orgueil – l’élévation de soi – conduit inévitablement à être humilié précisément parce qu’il nous emprisonne dans un cycle de jugement sans fin et nous isole de Dieu et de Sa grâce.
Par contre, l’humilité conduit à notre élévation – non en raison d’une décision capricieuse de Dieu mais parce qu’elle nous ouvre à l’action glorifiante de Dieu. Puisse le Seigneur nous gratifier de cette vertu et la faire grandir en nous, pour nous libérer de la servitude de l’ego et faire grandir en nous Sa vie.
Le père Paul Scalia est un prêtre du diocèse d’Arlington (Virginie), où il sert comme vicaire épiscopal pour le clergé.
Illustration : « La prière du pharisien et du publicain » [James Tissot]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/10/27/the-pompous-and-pitiless/