Ce n’est pas rien que de devenir président de la République, chef de l’État et donc chef des armées. Aurait-on pu imaginer, il y a quelques mois, le paisible François Hollande en homme de guerre, lui que l’on décrivait à l’envi comme un homme d’appareil, rétif à tout affrontement et habile aux motions de synthèse ainsi qu’aux solutions de compromis ? On peut penser, toutefois, que sa culture politique l’avait rendu familier des classiques, de Machiavel à Charles de Gaulle, pour pressentir quelles mutations lui imposerait son élection à la magistrature suprême. La France n’est pas un pays neutre, à l’abri des conflits du monde. Elle demeure, en raison de son histoire et de ses liens avec l’Afrique, garante de l’équilibre de toute une région stratégique. Les velléités de se tenir éloigné de tout théâtre des opérations militaires n’ont pas résisté aux graves menaces qui pesaient sur un Mali en grand péril d’être submergé par les forces islamistes. François Hollande a donc pris les mesures d’urgence qu’imposait la situation, approuvé par la quasi-totalité de la classe politique.
La supériorité militaire, qui a permis de vaincre l’adversaire lors des premiers combats, ne peut faire oublier le risque d’une prolongation du conflit, faute de solutions politiques à Bamako et à cause de la fragilité du pays. Là encore, le Président devra apprendre ce qu’il en coûte de mener une guerre aux rebondissements inattendus qui risque de s’installer dans la durée. D’ores et déjà, on peut supputer que le changement de dimension, qui est le sien, aura des conséquences sur sa façon de diriger le pays.
Paradoxalement, l’intervention au Mali l’a empêché de recevoir en pleine face l’énorme pavé de la manifestation du 13 janvier. S’il n’avait pas revêtu son costume militaire, il aurait été assailli directement par cet élan populaire qu’il n’avait pas prévu, et avec lequel il va devoir désormais compter. Car il ne doit se faire aucune illusion. Les dirigeants de la mobilisation contre « le mariage pour tous » ne démobiliseront pas. Ils en sont déjà a envisager un autre rassemblement de masse qu’amplifierait encore le réveil du pays dans ses profondeurs. François Hollande, chef de guerre, ira-t-il au bout du bras de fer engagé, en brisant les obstacles, au risque d’une crise durable, ou saura-t-il trouver une solution politique qui sauvegarderait une paix civile si précieuse en période périlleuse ?
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Mariage pour tous et guerre du Mali
par Dominique Decherf, ancien ambassadeur de France