Tugdual Derville («le temps de l’homme – pour une révolution de l’écologie humaine») a l’intelligence et la clairvoyance de vouloir que l’on traite les graves problèmes de la bio-éthique et de la «bio-politique» en donnant la place qu’elle mérite à l’écologie. D’autres penseurs le font aussi. Mais beaucoup, s’estimant «progressistes», sont absents. C’est en effet un positionnement moderne, complémentaire et indispensable, susceptible de rallier «un certain nombre» de nos contemporains de gauche et de droite, dont la sensibilité morale se trouve amputée ou offusquée dans ce domaine, celui de l’avortement en particulier (on a assisté avec chagrin, lors du dernier débat de la primaire de la droite, le 24 nov 2016, au ralliement public de François Fillon à la « doxa » en vigueur sur l’approbation sans réserves de l’IVG). L’IVG n’est certes pas seule en cause parmi nos dérives sociétales libertaires…, mais c’est la question la plus grave – avec celle qui concerne la manipulation et destruction d’embryons utilisés à d’autres fins que eux-mêmes -, car il s’agit de vie et de mort pour un très grand nombre d’êtres humains innocents.
La défense de la vie doit se fonder en définitive dans une vision de la nature humaine, une anthropologie réaliste et normative (un humanisme) à rajeunir, moderniser, actualiser par les requêtes d’une écologie humaine inclusive – l’homme dans son environnement et dans son histoire – écologie faisant droit aux données scientifiques incontestables d’ordre biologique et génétique. Cette «Nature» globalement considérée, à laquelle nous appartenons, que paradoxalement beaucoup disent respecter, vénérer et vouloir sauvegarder…! alors qu’il sont prêts à la sacrifier. Je m’applique dans les réflexions ci-dessous à montrer la façon dont l’écologie s’introduit dans le débat et conforte l’engagement pro-vie.
• Qu’est-ce qu’un embryon ? Un germe de vie humaine. Et de toutes les graines, de toutes les jeunes pousses, de toutes les promesses d’animaux et de végétaux de diverses espèces en formation, c’est le plus précieux, c’est à dire celui dont la valeur d’être (valeur ontologique) est la plus élevée.
Vouloir prendre soin de chaque vivant (ne s’approprier que ceux qui nous sont véritablement utiles et nous débarrasser seulement de ceux qui sont nuisibles), sauver les espèces menacées, veiller à protéger la bio-diversité, c’est faire preuve de respect, de considération et d’amour à l’égard de la nature (“la terre-mère”, disent de nombreux peuples) – notre milieu de vie prochain comme notre plus vaste environnement.
C’est aussi prendre en compte le futur de notre planète, sa vie et sa survie, en même temps que se montrer soucieux de la destinée des hommes sur la terre – hommes en interrelation avec la nature dont ils dépendent et dont ils font partie.
L’écologie est une discipline et une attitude tout à fait essentielle et urgente, surtout à notre époque où l’humanité, et la civilisation industrielle en particulier, sont en train de commettre des dégâts irréparables..
• Nous disons que prendre soin des petits êtres humains en formation, se préoccuper pour leur vie quand elle se trouve menacée, s’engager pour les sauver, accompagner les futures mères pour qu’elles soient préservées de l’épreuve ou de la tentation de les éliminer, quand elle se sentent perdues et sans recours face à la naissance d’un bébé qui s’annonce… est aussi une attitude écologique, première et fondamentale, une attitude d’amour profond envers la Nature, et envers nous-mêmes.
Dans l’ordre, le premier sujet de l’écologie, c’est l’homme lui-même, ce fruit par excellence de la Nature ! A commencer par le petit d’homme et sa vie fragile, surtout si cette vie est en péril…
On peut encore dire ceci : vouloir sauver les plantes et les animaux, veiller à la salubrité de notre environnement, travailler pour un développement durable…sans se soucier par dessus tout des petits êtres humains en formation, c’est insuffisant, et à la limite, contradictoire, car un ordre d’importance, ce qu’on pourrait appeler une hiérarchie de valeurs, n’est pas respecté. On veut sauver les petits phoques, ou les petites crapauds, par exemple, en leur ménageant des tunnels sous les autoroutes pour qu’ils ne risquent pas de se faire écraser en traversant, et on élimine en masse, souvent sans beaucoup d’états d’âme, des millions d’embryons humains… Avouez qu’il y a quelque chose qui ne va pas.
• A quoi certains répondront sans doute : dans un cas, on veille sur la vie et la survie
d’un grand nombre d’individus et d’espèces entières, animales et végétales… Alors que dans le cas de l’embryon humain, il ne s’agit que de quelques cas singuliers : la survie de l’espèce humaine n’est pas en péril ! (on serait plutôt trop nombreux…)
Par ailleurs, c’est par souci de l’avenir de l’espèce humaine elle-même, pour protéger ses ressources ainsi que le climat ; c’est pour assurer l’équilibre de notre vie sur la terre que l’on entend protéger la flore et la faune de territoires entiers livrés au pillage et à la ruine, comme par exemple la forêt amazonienne.
Il ne faut pas se tromper d’échelle, direz-vous, et il faut comparer seulement ce qui est comparable. Il est plus important de sauver des espèces en voie de raréfaction, les abeilles par exemple, qui représentent un besoin vital pour la pollinisation ; les éléphants, ou telle espèce de poissons (le thon rouge) menacés de disparition à cause de la sur-pêche… que quelques bébés humains non désirés et indésirables…Prenons acte de cette objection sérieuse.
• Pourtant, je répète qu’il ne s’agit pas de quelques rares individus de l’espèce humaine éliminés de par le monde, pour des motifs de gravité et d’importance très divers, mais il s’agit de grandes quantités d’êtres humains – des millions, des centaines de millions…! L’avortement n’est pas ou n’est plus considéré comme l’ exception, une dérogation à la loi selon l’esprit dans lequel fut votée la loi Veil, c’est devenu une pratique assez habituelle, légalisée, promue même par le gouvernement actuel, sur le point de passer dans les moeurs, et qui est considérée par beaucoup comme un progrès, un droit fondamental, une libération essentielle, une avancée de la civilisation, que certains défendent bec et ongles, et encouragent…
Du seul point de vue quantitatif, la question écologique à propos de l’avortement volontaire demeure donc entière.
• Mais c’est parce que sa pratique à grande échelle manifeste un grave dysfonctionnement dans la reproduction humaine – dysfonctionnement affectant respectivement et conjointement les facteurs biologique, psychologique et moral du binôme amour-sexualité qui y préside – que le questionnement à son sujet devient principalement d’ordre qualitatif.
De ce fait, voici donc pour nous l’avortement situé au coeur de l’écologie, laquelle est affaire de vision et sensibilité pleinement humaines. Car l’écologie, en-deçà de ses aspects ou motivations pragmatiques, est régie par la conception que l’on se fait de l’homme, et de sa nature, au sein de l’univers matériel auquel il appartient, dans une histoire à vivre et construire le plus possible en collaboration et symbiose.
L’être humain qui attire à lui tout l’univers terrestre – ressources matérielles, mondes animal et végétal – et le finalise en quelque sorte, est fondé à gérer et à organiser au mieux cet univers livré à lui, à prendre sa défense, à le protéger… par amour pour tous les vivants et pour son propre développement “durable” et son épanouissement. Et, lui-même, n’est-il pas au-dessus de tous les autres vivants ? 1
Vous-même qui lisez ces lignes, n’êtes-vous pas quelqu’un de souverainement important à vos propre yeux et dépassant l’ordre de la nature, bien que vous fassiez partie de cette nature ? Si vous êtes présent ici sur terre, n’est-ce pas parce que vos parents vous ont aimé et accueilli et qu’ils ont respecté absolument le premier de vos droits qui était le droit de vivre ? Un droit personnel inaliénable.
Premier parmi tous les vivants, l’être humain est d’abord responsable de son espèce humaine. Il est requis d’aimer et de protéger ses semblables, ses frères humains, les plus petits, les plus fragiles, les plus démunis – lui-même en quelque sorte – et de le faire dès le stade germinal de leur apparition dans le sein de leur mère.
Alors l’écologie, avec ses vastes préoccupations, peut avancer et se construire sur une base saine et fonctionner vraiment à l’endroit. Le premier souci d’une écologie qui soit vraiment humaine consiste à défendre la vie naissante et à veiller sur son développement.
Comment ne pas tenter de réveiller les écologistes inconditionnels du droit à l’avortement par ces paroles ?
VOUS PRETENDEZ SAUVER LA VIE SUR LA PLANETE,
VEILLANT AVEC AMOUR SUR LES MOINDRES ESSENCES,
MAIS LES BEBES HUMAINS, EN TOUTE CONNAISSANCE,
VOUS LES ELIMINEZ LEUR PREFERANT LES BETES.
Chercher l’erreur…
Parce qu’elle assume à la fois sa base, ou point de départ, et son sommet, seule une écologie qui se propose de prendre soin des enfants récemment conçus a les chances d’être crédible et performante dans ses nombreux champs d’intervention.
Benoît A. Dumas
- Solidaire du monde des vivants auquel il appartient, l’homme est cependant situé au- dessus des autres vivants. Non seulement l’homme est doté d’une nature supérieure à celle des autres vivants (animal raisonnable), mais chaque représentant de l’espèce humaine est un individu unique, un être personnel capable de dire un jour “Je”, et de s’approprier son existence et sa nature (“je suis, moi, un être humain; je pense”). Cela lui confère une dignité et valeur que les autres humains ont vocation à reconnaître et respecter absolument.
A la différence des individus des autres espèces animales et végétales, multipliés selon leur espèce, et dans une certaine mesure interchangeables à l’intérieur de l’espèce (le poisson dans un banc de poissons) et pouvant faire l’objet d’une saisie globale, seul l’homme est apte à s’approprier, comme sujet singulier et spirituel, conscient et libre, la nature spécifique qui le constitue, et cela fait de lui un être à part et irréductible. On dit en langage philosophique qu’il est un bien ensoi et pour soi, le plus élevé, et qu’il n’est disponible à aucune autre fin que lui-même.
Il doit faire l’objet d’un absolu respect et ne doit être soumis à aucune manipulation.
Cette appréciation de l’être humain en tant que personne vaut dès sa conception. Pourquoi ? Pour la simple raison que sa nature humaine individuelle est présente à ce stade initial, qu’elle est intrinsèquement capable, dans son milieu, de croître et se développer et de devenir une personne achevée. L’embryon, en effet, est apte à se construire par lui-même et à manifester toutes ses virtualités à partir du moment où il existe comme être vivant autonome, c’est à dire auto-centré et auto-régulé, résultat immédiat de la fusion des cellules germinales parentales et abritant tout son potentiel génétique. Dès lors, son devenir est un processus continu, certes marqué par des étapes qui se succèdent naturellement les unes aux autres par évolution interne, mais sans qu’il soit possible d’ assigner à ces étapes des limites rigoureuses précises.(A tel moment, et à tel moment seulement, de façon arbitraire, on pourrait le qualifier d’humain, alors qu’il ne l’était pas le jour précédent ou la semaine précédente… : aberration !) Le comité consultatif national d’éthique avait jadis qualifié l’embryon de : “personne humaine potentielle”.
Ces considérations anthropologiques et bio-éthiques sont la base du droit primordial de l’enfant à la vie, dès son apparition dans le sein de sa mère.