Lorsque j’ai appris, hier matin, la mort du Père Jacques Sommet à l’âge de cent ans, j’ai revu l’homme, le religieux que j’avais rencontré dans les années 80 et qui m’avait laissé une impression inoubliable. C’est vrai que le contexte était assez particulier, avec l’ouverture à Lyon du procès Barbie, qui rouvrait tous les souvenirs de la guerre et de l’Occupation et le cauchemar de la sauvagerie nazie. Tous les regards étaient tournés vers Lyon pour se concentrer sur la figure de l’ancien responsable de la Gestapo, l’homme qui avait procédé à l’arrestation des enfants d’Izieu. Et voilà que je rencontrais un témoin direct de cette époque, un résistant, un déporté qui avait survécu à l’enfer du camp de Dachau, et j’entendais de sa bouche un langage que je n’avais entendu nulle part ailleurs et qui me bouleversait. J’avouerais même qu’en entendant, le lendemain de ma rencontre, le même père Sommet au micro de Jean-Pierre Elkabach, c’étaient des larmes qui avaient coulé de mes yeux, parce que ce langage que j’entendais, c’était celui-même de l’Évangile, de la pure charité.
Dans les conditions les plus inhumaines, Jacques Sommet avait retrouvé le Christ dans le visage de ses frères souffrants, de ses frères malades au moment de leur dernier souffle et qu’il assistait et soignait. Pour lui, ainsi qu’il l’a expliqué dans un admirable livre, c’était le Christ qui était présent dans la souffrance des corps et des âmes. Et l’eucharistie à Dachau, c’était la présence physique du Christ dans le camp, qui permettait la construction du corps ecclésial.
À la fin, lorsque Dachau est enfin libéré par les forces alliées, Jacques Sommet refuse la vengeance de toute son âme. Il ne veut pas que ses geôliers, ses bourreaux soient lynchés, exécutés sommairement. Oui, il ose dire qu’il faut penser au pardon et que le christianisme exige le pardon. Qui n’est pas l’oubli de l’ignominie, l’assassinat de la mémoire mais le mouvement de restauration, de recréation de l’humanité par la grâce de la Rédemption.
Cher père Sommet, vous êtes rentré à cent ans, paisiblement, dans votre éternité. Vous connaissez enfin la charité plénière que vous avez vécue au moment le plus crucial de votre vie.
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Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 25 octobre 2012.
Pour aller plus loin :
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- LE MINISTERE DE MGR GHIKA EN ROUMANIE (1940 – 1954)
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
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