Photo : Pierre-Yves Dallenogare
Qu’on me permette de consacrer cette chronique au père Georges Chantraine, dont j’ai appris ce matin même le décès. Ce religieux belge de la Compagnie de Jésus a consacré toute sa vie à l’enseignement de la théologie, il participait très activement à la rédaction de la revue internationale Communio. Il aura passé ses dernières années à rédiger une immense biographie de son maître, le cardinal Henri de Lubac. La dernière fois que je l’ai vu, c’était précisément pour la présentation du second volume de cette biographie à Paris, chez les Pères Jésuites de la rue de Sèvres. J’ai beaucoup de souvenirs sur lui et je ne puis m’empêcher de penser ce matin, où il est particulièrement question des prêtres, qu’il fut lui-même pleinement engagé dans son sacerdoce. Il en développa la doctrine, en pleine connivence avec Henri de Lubac justement. En consultant ma collection de Communio je retrouve un éditorial signé Georges Chantraine en tête d’un dossier sur le thème « former des prêtres » et publié pour les vingt-cinq ans de Vatican II.
Je relis rapidement cet éditorial et j’y repère l’affirmation centrale : « Le prêtre est conforme au Christ Grand-Prêtre et l’ordination implique pour autant une transformation ontologique, signifiée par le caractère. » Cela m’a rappelé certaines discussions de l’époque à propos du sacerdoce et de sa relation avec le célibat, qui était déjà âprement discutée. Là-dessus, le père Chantraine prenait résolument position : « Le célibat sacerdotal n’est pas seulement une « discipline ecclésiastique latine », il est d’abord un don que l’Église accueille ; l’évêque n’aurait aucun pouvoir ni droit d’imposer une telle discipline ; il vérifie si les candidats l’acceptent de bon cœur. » Le théologien était persuadé que le célibat sacerdotal n’était pas une création du Moyen-Âge mais qu’il s’enracinait dans les origines chrétiennes.
Il recommandait à ce propos un livre essentiel, publié en 1981 par un de ses confrères de la Compagnie de Jésus, le père Christian Cochini sur « Les origines apostoliques du célibat sacerdotal ». Cet ouvrage, réédité par les éditions Ad Solem, était considéré par le cardinal de Lubac comme de toute première importance : « Dans la production de notre siècle en la matière, je ne pense pas que rien puisse lui être comparé même de loin. » J’ai moi-même repris ce livre pour mieux réfléchir à la discussion relancée ces dernières semaines sur le célibat sacerdotal. Dans la biographie dont je parlais, le père Chantraine montre l’importance qu’eut pour le jeune Henri de Lubac son ordination au sacerdoce et comment il fut toujours intimement marqué par son caractère ontologique. Durant la crise post-soixante-huitarde, le cardinal de Lubac devait défendre ardemment l’identité et la mission du prêtre, alors contestées et même bousculées.
Voilà, cette brève évocation aura été ma pierre ajoutée au travail de Monique Hébrard sur les prêtres. En saluant cette belle figure de religieux, je suis persuadé qu’elle a illustré de façon puissante le sacerdoce célébré cette année, de par la volonté de Benoît XVI. C’est sans doute le meilleur hommage à lui rendre.
Chronique sur Radio Notre-Dame, le 26 mai 2010
A propos de Pierre-Yves Dallenogare à qui nous devons la belle photo du père Chantraine :
Je vis à Charleroi en Belgique depuis 20 ans :