Le "Père fondateur" Jean Le Cour Grandmaison - France Catholique
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Le « Père fondateur » Jean Le Cour Grandmaison

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Un journal ? Ce sont des hommes qui parlent à des hommes. Pour l’analyser, il est, ainsi, de bonne méthode de déterminer QUI parle à QUI. le QUOI, le contenu en idées, en passions vient après. Encore qu’il faille se garder de tomber dans un déterminisme sociologique simplet. Dès lors, avant de procéder à une « analyse de contenu » – comme on dit -, avant de feuilleter et de lire La France Catholique (des années 1945-1974), considérons ses auteurs compositeurs et interprètes. Bref, les Acteurs de cet échange qu’est toute publication de presse. Comme il convient, on commencera par les deux fondateurs. D’autant qu’ils furent aux commandes soit en tant que directeur, soit en tant que rédacteur en chef pendant trente années et quelques mois près : Jean Le Cour Grandmaison fut directeur de 1947 à 1957, rédacteur en chef de 1945 à 1950 et continua de s’intéresser et à collaborer jusqu’en 19…, Jean d’Azémar de Fabrègues fut rédacteur en chef de 194.. à 1957, directeur de 1958 au 17 avril 1970, il continua ensuite à collaborer jusqu’en 198… Autant dire que ces deux hommes marquèrent ce journal. Certes, nous avons déjà rencontré ces deux personnalités en leurs actions et interventions, au cours des pages précédentes. Il n’est pas, néanmoins, inutile de s’attarder plus précisément sur eux. PLUTÔT PARLEMENTAIRE QUE MARIN Jean Le Cour Grandmaison, qui était-il ? Très peu « capucin botté, très peu « ligueur », fort peu de Castelnau par conséquent. Plutôt de la « race » d’Albert de Mun. Un aristocrate catholique de bonne souche. Un roc de foi avec une inclination contemplative. D’ailleurs, il mourut dans une abbaye. Avec non moins une passion du « social » et de ce que l’on nomme, à présent le « lien social ». « Catholique et français, assurément. « Catholique d’abord » sans conteste. Et, si l’on ose, davantage « social » que français. Davantage « apôtre » – au sens du jargon Action catholique des années 30, que bretteur d’armes et même d’idées. Suffit ! Passons, enfin, des diagnostics globaux aux détails existentiels. Jean Le Cour Grandmaison ? Il vint de l’Ouest ! C’est déjà beaucoup dire, en France ! Il était né le 15 mars 1883 à Nantes. D’un père qui allait devenir, en 1885, député de la Loire-Inférieure – comme il se disait -, avant de devenir sénateur du même département de 1895 à 1901. D’un père déjà porté vers le « social » puisqu’il était très lié au marquis de La Tour du Pin, étudia de près les Trade-Unions britanniques, collabora au Bulletin de l’Association Catholique, à la Réforme sociale, etc. Il écrivit aussi dans La Revue des Deux Monde. Idéologiquement, Jean Le Cour Grandmaison fut un héritier. http://www.senat.fr/sen3Rfic/le_cour_grandmaison_charles1288r3.html Monté à Paris pour suivre son père sénateur, il fit ses études chez les Frères de la Doctrine Chrétienne, rue de Grenelle, puis prépara l’École navale à Stanislas. S’il n’y croisa pas Marc Sangnier, il dut bien croiser ou rencontrer quelques-uns des siens. Au moins en entendre « causer ». Sorti en 1902 de l’École Navale, il navigua à travers le monde, comme il va de soi. En 1904, au moment du tonitruant et capital combat de Port-Arthur, il était au Japon. Bien entendu, il fit, ensuite la guerre. Les opérations terminées, la paix venue, l’avenir sous les armes ne lui parut pas excitant. Il se mit à « trouver terne et insuffisant ce que la Marine m’offre, (à) rêver à une existence plus remplie, ayant plus de rendement » (Journal 19 juillet 1919). L’entrée dans le « civil » le tenta. Oui mais… il ne voulait pas y faire n’importe quoi. Surtout pas entrer dans « les affaires ». «Le genre ‘brasseur d’affaires » diffère terriblement du genre ‘officier ». Il y a certainement des gens épatants dans les affaires, mais on y fréquente fatalement bien autre chose. La force des carrières militaires, c’est que la question d’argent n’y existe pas, tandis qu’elle l’âme des affaires. J’avoue que je sens nettement à cet égard l’infériorité des situations civiles, mais je n’y entrerais jamais avec l’argent pour but. Il sera le moyen simplement de vivre pour nous, d’une vie honorable et utile, ou de jouer un rôle politique et social, d’avoir de l’influence » (19 juillet 1919 in Jean Le Cour Grandmaison…, p. 36). En cette situation, que faire ? Le mieux, assurément, était de se remettre dans les traces du père ) Charles – et de l’oncle François Saint-Maur. C’est ce qu’il fit. Dès 1919, il devint député élu dans la deuxième circonscription de la Loire-Inférieure avant de l’être dans la quatrième de Nantes. Constamment réélu (en 1924, 1932, 1936) avec des scores massifs et au premier tour, il exerça cinq mandats (1919-1942). La voie de l’influence lui était ouverte. Homme d’influence, le fut-il à la Chambre des Députés ? Fausse question. Même quand on est « non-inscrit », affilié à aucun groupe, dans un système tel que celui du Parlement de la Troisième République, aucune voix n’est négligeable. En outre, quand on siège plus de dix ans à la commission de la Marine et que l’on est marin, on ne peut qu’être pris en compte. En plus, Jean Le Cour Grandmaison ne fut pas avare d’interventions en commission et en séance publique. Mais l’influence parlementaire est difficilement mesurable. DES DISCOURS QUE L’ON ESTIME Le sûr et certain est qu’il fut un député hautement estimé. Il sut s’imposer et imposer l’image du député éloquent, à convictions fortes, prononçant des discours de « belle élévation ». Trois notamment, firent, impression : – Le discours contre la neutralité scolaire (15 février 1933) au cours duquel il accula les députés à applaudir « ce message qu’il y a dix-neuf siècles apportait au monde cet artisan galiléen que nous nommons Notre Seigneur Jésus-Christ ». Ce député était intrinsèquement apôtre. Par ailleurs, ce discours était une sorte de commentaire du mot de Newman qu’il citait : « La culture de l’âme, l’accomplissement de l’individu conditionne le progrès du moral » (cf. J. Le Cour… op. cit, p. 108). – le discours du 6 juin 1936, lors du débat sur la déclaration ministérielle du premier gouvernement Blum. On l’a cité précédemment. – Surtout le discours du 8 juin 1937 à l’occasion du débat sur la politique générale du second gouvernement Blum. Quel succès d’estime ! Quel succès d’image ! Le Cour Grandmaison en restera auréolé pour toujours ! Il n’est qu’à lire les commentaires de cet hebdomadaire Sept, ultra anti-FNC et distillant ses attaques implicites contre cette organisation dans chaque numéro, pour mesurer le coup de maître que fut ce discours, du point de vue de l’influence : «Monsieur Bergery, le chef du ‘frontisme’ est classé à ‘l’extrême gauche’; mais un catholique, un homme de ‘droite’, M. Le Cour Grandmaison, s’est empressé de monter à la tribune pour jeter à la face des députés stupéfaits : «M. Bergery a raison. C’est un signe des temps qu’un homme M. Bergery et moi-même puissent être d’accord pour reprocher à la politique du Front populaire, non pas ce qu’elle a d’audacieux, mais au contraire, ce qu’elle a de trop timide. ‘Signe des temps, en effet, et qui montre combien sont devenues précaires les classifications politiques habituelles.’ M. Le Cour Grandmaison, vice-président de la FNC, a prononcé un discours ‘révolutionnaire’. Il s’est élevé énergiquement contre l’oligarchie financière qui dispose sans contrôle des capitaux qui ne lui appartiennent pas »; il a protesté contre l’inhumaine absurdité d’un régime qui ‘met l’homme au service de la production, et la production au service de l’argent’; il a rappelé les condamnations prononcées par les Souverains-Pontifes contre ce régime, condamnations qui paraissent coïncider, en partie, avec celles des réformateurs sociaux. Mais si nous sommes, quelques fois d’accord pour condamner, s’écrie M. Le Cour Grandmaison, nous serions coupables de conserver plus longtemps. « Nous avons le devoir de substituer à l’ordre social actuel un ordre social plus humain qui mette l’argent au service de la production. La production au service de l’homme et l’homme au service d’un idéal qui le dépasse et qui donne sens à sa vie. » « Il faut rompre avec le matérialisme, qu’il soit philosophique, politique ou social. Pour accomplir cette rupture et pour donner au monde l’exemple d’un régime conciliant, autorité et libertés. M. Le Cour Grandmaison fait confiance à notre pays…» (Sept 14 mai 1937). Inouï : tant de fleurs à Le Cour Grandmaison dans Sept ! Bien sûr, il faut être précautionneux, les frères dominicains peuvent être jésuites, à leur heure. Il y a du tir indirect dans ces louanges ! Des règlements de compte implicites contre Castelnau qui s’était indigné que P.-H. Simon conseilla de voter pour Bergery ! Peut-être aussi, y a-t-il de la diplomatie. Une manière de se « couvrir » à Rome (Rome vaticane, évidemment !). N’empêche Jean Le Cour Grandmaison était consacré « révolutionnaire », ouvert ! Sa force d’influence en fut renforcée et, aussi bien, on l’a vu, elle résista, dans toute une fraction de l’opinion catholique anti-vichyste aux errements vichyssois et aux engagements « Révolution nationale » qui furent les siens. Autre « retombée » de ce discours, la lettre de félicitation que voici : 10 mai 1937 Paris, 110, boulevard Raspail Monsieur le Député, Je viens de lire votre admirable discours d’hier, et tiens à vous féliciter de tout cœur. C’est d’abord, pour moi, un grand plaisir de voir grandir la notoriété d’un homme politique (j’entends cet adjectif dans son sens le plus élevé) pour le talent et le caractère duquel je nourris une très vive sympathie ; mais je trouve aussi, dans les idées que vous avez exprimées, la transposition sur le plan économique et social, de toute une philosophie que je partage entièrement au point de vue militaire. Tout se tient. Dans l’ordre de la force française, il faut également des « réformes de structures » et il faut les entreprendre dans le sens que vous avez indiqué pour les autres (…) Permettez-moi d’ajouter, Monsieur le Député, que je souhaite vivement que cette idée soit, à la prochaine occasion, nettement exposée par un politique qualifié : et qui le serait plus que vous, mieux que vous ? … Je vous prie d’agréer, Monsieur le Député, l’expression de mes sentiments de haute considération et de sincère admiration. Ch. de Gaulle (op. cit. p. 142) * à éclairer par Ch. de Gaulle. Mémoires de Guerre (éd. Pléïade p. 18). Le discours sur le projet de loi sur les procédures de conciliation et d’arbitrage (15 février 1938). Au-delà de ce projet, ce discours, voulant poser le problème dans son ensemble, constitue une sorte de mini-cours de Semaine Sociale, sur le « statut moderne du travail ». À la tribune de la Chambre où il s’est imposé, Jean Le Cour Grandmaison, député « apôtre » ne cesse de prétendre que l’ordre social doit être « révolutionné » dans la loi. Mais, aussi, que le nouvel ordre social ne sera stable et ne sera fécond que s’il est chrétien » (Le Figaro, 29 mars 1933). L’INFLUENCE PASSE AUSSI PAR AILLEURS Homme d’influence ? Comment le fut-il, hors du Parlement. Par quelles voies ? Par quels moyens ? La qualité de Vice-Président de la Fédération Nationale Catholique lui fut, sans conteste, une aide non négligeable. A l’extérieur, ce titre ajoutait à ses propres qualités, dans des milieux et secteurs d’opinion importants. A l’intérieur de l’organisation, encore que – au moins pour notre part – on n’y voit pas clair sur ses rapport avec son impétieux général-président, il sut s’imposer comme le « dauphin ». Il sut, semble-t-il, maintenir et renforcer la dimension « sociale », peu prise en compte, à ce qui paraît, par une partie de l’entourage du Général (cf. Droulers, Le Père Desbuquois, t. 2, p. 314). Il sut jouer le pondérateur, comme il ressort de cette adresse respectueuse et getnille au cours des journées d’études de 1936 : « Votre carrière militaire, Mon Général, a été dominée par le problème des liaisons… Sur le terrain de l’Action Catholique, le problème n’est pas moins délicat, peut-être plus encore… Jamais, Mon Général, vous n’avez voulu faire (de la FNC) je ne sais quel instrument à caporaliser les actions des catholiques de France…» (in FNC Objectifs, 1936, op. cit). Il y a de la mise en garde dans ces petites phrases. Surtout, à partir de cette vice-présidence, il y eut, comme moyen d’influence les conférences – en 1939, aux «Ambassadeurs», par exemple – et le journalisme. En 1937, il devint chroniqueur au Figaro. Eh oui ! Au Figaro, le quotidien concurrent de L’Epoque qui était l’organe de presse de Castelnau quand L’Echo de Paris disparut (en 1937). Compétition ou partage des rôles ? Piquant en toute hypothèse. D’autant que cette quarantaine de chroniques (entre 1937 et le 18 août 1940 avec interruption pour cause de mobilisation à l’état-major de la Marine de Darlan, de septembre 39 à début juillet 1940) n’étaient pas des chroniques comme les autres. Rien de commun avec Paul Morand, François Mauriac, Julien Green, Georges Duhamel, etc., qui écrivaient de «vraies» chroniques, c’est-à-dire des relations impressionnistes et subjectives n’engageant qu’eux-mêmes. La plupart des chroniques de Jean Le Cour Grandmaison étaient sur-titrées : «Les catholiques français devant les problèmes de l’heure». Elles étaient authentifiées par deux titres : «Député de Loire Inférieure, vice-président de la FNC». Autant dire que l’on n’y plaisant pas. A peu d’exceptions près, Jean Le Cour Grandmaison y fit du «social» et y célébra soit les mouvements catholiques soit le catholicisme qu’il annonçait renaissant : «Nous sentons grandir le dynamisme de nos groupements» (Figaro 2 juin 1936). Sur cette lancée, après l’armistice, quand Wladimir d’Ormesson, l’éditorialiste du Figaro, fut nommé ambassaderu auprès du Saint-Siège, Jean Le Cour Grandmaison devint, en alternance avec Lucien Romier, éditorialiste entre le 1er septembre 1940 et le 29 janvier 1941. Au fil de ces qualques trente-neuf éditos, il se fit le chantre du nouveau régime et de ses réformes. Certes, il rappela que «La France est le pays de la mesure et de la liberté» (18 août 1940) et que, donc il faut limiter la «réaction». Certes, au lendemain de Montoire, il souligna que «l’honneur ne va pas sans indépendance» (3 novembre 1940). A propos de la question «L’Angleterre sera-t-elle envahie ?» (3 février 1941) et de «La bataille de l’Atlantique» (1er avril), il suggéra que rien n’était joué – ce qui était audacieux. N’empêche, il n’en finit pas de soutenir que «la civilisation chrétienne est celle dont se réclame le gouvernement du Maréchal» (24 mars 1941), que «Nous venons de retrouver les bases traditionnelles de l’ordre social chrétien» (Figaro 19 août 1940). Il va de soi qu’après janvier 1941, quand Wladimir d’Ormesson étant de retour, Jean Le Cour Grandmaison reprit sa place de chroniqueur, il ne changea pas de ligne. Influence pro-maréchalisante «révolution nationale», résolument, donc. Précisons que aussi bien les éditoriaux que les chroniques continuèrent à mentionner que l’auteur était «vice-président de la FNC». Dans cette même période, l’influence passa, aussi, par les «centres régionaux de la Légion française des combattants», par le Conseil National, par l’hebdomadaire Demain (à partir de février 1942), ainsi qu’on l’a indiqué ci-dessus. Homme d’influence enfin, Jean Le Cour Grandmaison sut l’être et le fut dans les cénacles et antichambres épiscopales françaises et romaines. Pour ce qui est de celles-ci, comment y aurait-il été mal vu alros qu’il admirait Pie XII et que le sermon fameux du cardinal-légat Eugenio Pacelli à Notre-Dame de Paris sur la vocation de la France lui servit, souvent de référence dans les années 1940 et 1941 dans Le Figaro et ailleurs. Ces circonstances devaient faciliter les contacts et donner du crédit. D’où, dans son journal, ces notes : «Le nonce m’a dit que La France Catholique faisait «un bien extraordinaire» (1er décembre 1947), Mgr Montini – futur Paul VI – m’a dit) : «Vous savez, ici, on aime beaucoup les objectifs, les méthodes et les hommes de la FNAC» (29 novembre 1948). En confirmation de ces témoignages d’estime, Jean Le Cour Grandmaison fut, en 1950, désigné comme président de la Fédération Internationale des Hommes Catholiques (FIHC). Homme d’influence, il le fut, enfin, à travers, par La France catholique. Avec pour objectif, quand il la refonda, de faire partager sa certitude : «(Je) suis convaincu que le christianisme offre la tierce solution qui élimine les tares contraires des dceux doctrines opposées (le libéralisme et le collectivisme) et résume dans une harmonieuse synthèse, ce qu’il y a de légitimes dans leurs préoccupations» (Archives. Lettres du 21 janvier 1947 à François Desgrée du Lou, directeur d’Ouest-France) et de convaincre lectrice et lecteurs qu’il y avait péril dans l’immédiat, même si l’espérance était au bout du chemin : «J’ai l’impression que Satan a mis sur pied un gigantesque plan de déchristianisation et lance le bochevisme sur l’Europe, comme un nouvel islam. Mais, il y a mille ans, l’Europe était unie dans la foi» (Journal, 16 juin 1944, p. 187). Le ????, il donna son dernier article à La France catholique et, le 17 janvier 1974, en l’abbaye bénédictine de Kergonan, «frère Jean Le Cour Grandmaison» parti exercer son influence ailleurs.

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