« Oser la bienveillance » ! On peut lire ce titre comme une provocation ou comme un appel ; car si il faut « oser » la bienveillance, c’est qu’elle ne nous est pas naturelle, que notre réaction instinctive à l’égard des autres est teintée de méfiance, voire de malveillance !
A l’égard de lui-même, l’être humain occidental ne serait pas plus tendre et se laisserait dévorer par une culpabilité destructrice qui l’empêcherait de choisir la vie et le bonheur que Dieu veut pour tous les hommes. C’est en tous cas le point de départ de la réflexion de Lytta Basset, théologienne protestante ; selon elle, l’origine de cette attitude est fondée sur une conception de l’homme, marqué depuis l’origine par le péché originel. Ce péché originel mis en forme par St Augustin et qui ne cesse d’être depuis d’être revisité et discuté. L’intérêt du livre de Lytta Basset est qu’il est nourri à la fois de sa grande pratique des Ecritures, de connaissances approfondies en théologie mais aussi en sciences humaines et surtout de son expérience personnelle. C’est de sa propre descente aux enfers dans le mépris d’elle-même et la culpabilité qu’est né le désir de ce livre. Il ne s’agit pas là d’un essai savant détaché du réel mais d’une plongée dans la pâte humaine, éclairée par une foi vivante au Christ.
Elle-même d’ailleurs démontre que l’histoire personnelle de St Augustin explique en grande partie qu’il ait élaboré la doctrine du péché originel. Le problème, selon elle, est que cette doctrine ait été érigée en dogme et que sa compréhension ait conduit à une véritable dérive de la foi chrétienne : obsession du péché qui conduit à enfoncer l’homme dans la culpabilité et une image profondément négative de lui-même ; une dérive qui justifierait également la violence éducative exercée sur l’enfant dont il faut absolument redresser la nature tordue ! Sur le plan théologique, Benoit XVI a admirablement répondu dans une catéchèse donnée en décembre 2008, mais encore une fois l’intérêt principal du livre de Lytta Basset ne se situe pas d’abord sur ce plan-là mais sur notre conception de l’homme, perverti irrémédiablement ou non par le mal et le péché ; le chapitre consacré à ce dernier est passionnant parce qu’il est concret ; au lieu de chercher dans la liste des péchés capitaux et véniels, Lytta Basset situe le péché dans les rapports que nous entretenons avec les autres, avec l’Autre : enfermement, division…. « Le péché est une affaire qui se règle d’abord entre humains »rappelle Lytta Basset et même si on le savait déjà, cela fait du bien de l’entendre ; car il en va de notre responsabilité et de notre liberté ; A nous de saisir la main tendue par le Christ, pour porter un regard bienveillant sur nous-mêmes et les autres afin de goûter au bonheur promis par Dieu. Peut-être cependant Mme Basset pêche-t-elle à son tour par optimisme : car pour elle, la sécularisation et le rejet massif des Eglises institutions serait une chance pour sortir du pessimisme radical entrainé par le péché originel et découvrir la bonne nouvelle de Jésus-Christ. A voir !
Oser la Bienveillance- Albin Michel
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Quand le virtuel se rebelle contre le réel, l’irrationnel détruit l’humanité
- Dénoncer les abus sectaires dans la vie consacrée et passer l’épreuve en union au Christ Epoux
- 3 - Aimer Dieu
- BAC 1992. DEVOIRS