C’est dans la nature du péché de compliquer la vie; de mettre unobstacle entre soi et Dieu. Et si le lecteur indulgent peutm’excuser de répéter ce qu’il a déjà lu dans des manuels deconduite chrétienne – anciens, médiévaux et modernes – il y a un problème à ce niveau. C’est avant tout un problème d’infidélité etd’incroyance.
Pour le moment, je propose de laisser Dieu en dehors de ceci, mais plutôt de considérer seulement, pour ainsi dire, les effets secondaires. Ou plutôt quelles sont les conséquences de laisser Dieu en dehors des relations personnelles de chacun, incluant la relation personnelle avec soi-même qui est la plus importante.
Par mon expérience et les remarques d’autres personnes, j’ai remarqué ceci : Quand un obstacle est érigé entre soi-même et Dieu,un obstacle est aussi nécessairement créé en soi-même. Et jusqu’àce qu’il soit enlevé – ou déplacé, ajusté ou réglé d’une autremanière – on reste divisé contre soi-même.
On s’embarque dans une double vie. Et cela peut être trèsinconfortable pour l’homme qui n’a toujours qu’une seule âme.
Ceux qui ont fait du canoë (une expérience assez répandue ici dans le Nord) ont eu l’expérience du problème de vouloir aller à lafois des deux côtés d’un récif en descendant des rapides. J’ai essayé une fois avec un ami. Ce n’était pas exactement ce que nous avions eu l’intention de faire.
J’aurai pu blâmer la rivière « Upper Petawawa « ; ça valait la peined’essayer.
Avec Smith (car c’était son nom) nous marchions le long desrapides que nous nous proposions de descendre, à la fin d’unelongue journée, et la sensation forte que nous nous sommes offerteétait le résultat de la paresse. Aucun d’entre nous n’étaitd’humeur à porter le canoë et son contenu un autre kilomètre oudeux, à travers la forêt dense, sur une piste abandonnée.
Nous avons scruté cette section de la rivière. Elle était en grande partie sans problème. En raison de la crue de printemps, iln’y avait que deux ou trois endroits où une manœuvre habile avecles pagaies serait nécessaire, et ils paraissaient sans trop deproblèmes. Nous devions seulement nous mettre d’accord sur la manœuvre à adopter lorsque nous atteindrions chacun de ces obstacles.
Le lecteur qui n’est pas familier avec le canotage doit se rendre compte que dans un canoë deux hommes sont, d’une certaine manière, une seule personne : mon allégorie est plus adaptée qu’il peut le paraître. Sur chaque bateau qu’il soit grand ou petit, que l’équipage soit de une ou cent personnes, l’autorité est nécessaire, comme l’autorité de l’âme.
« Ainsi là nous étions ! » comme on dit dans vieilles histoires de marins : naviguant vers le plus gros des récifs, émergeant de la rivière comme un rocher de Gibraltar en réduction, si visible qu’il avait été parfaitement anticipé. Étant devant dans le canoë, comme le pagayeur le moins expert, mon rôle était seulement d’écouter et d’obéir lorsque mon capitaine commandait.
Il y avait beaucoup de fracas dans les tourbillons de l’eau. Mon attention était continuellement trop fixée sur les flots. Je ne sais pas pourquoi ce que j’entendais était exactement à l’opposé de ce que disait Smith, mais c’est ains i! Nous commençâmes à aller des deux côtés du rocher à la fois.
Nous en avons rapidement constaté les conséquences. Nous fûmes brièvement par le travers d’un rocher impitoyable. Le canoë était fait en fibre de verre et pendant quelques secondes il fut possible d’incliner sa carcasse pour éviter d’être submergé.
Puis l’accrochage violent, le fort bruit sinistre de la catastrophe, alors que le canoë faisait ce que fait la fibre de verre soumis à de fortes tensions. Il se désintégra, et, avec tous nos bagages (tous soigneusement emballés, et étanches, et donc flottant bien), nous sommes descendus séparément, comme une petite flottille, plus en aval du torrent.
Ce fut un jour mémorable et étant donné la distance de toute habitation humaine et la perte de nos cartes, cela promettait d’être le premier d’une série.
Franchement, je me remémore cette aventure avec honte, car tout était entièrement de ma faute, mais aussi avec la joie juvénile d’avoir vécu cela. Mon co-équipier était de nature indulgente, et bien que propriétaire du canoë, il dit » Hé, ce n’était qu’un canoë! ».
Refroidi, mouillé, fatigué et affamé : ceci peut être desconditions physiques ou spirituelles. Ce sont les conditions normales du péché mortel. Les autorités, au moins celles de l’Eglise, recommandent la Confession et l’Absolution. Je compare cela à la station radar que nous avons trouvée de façon inopinée après seulement quelques kilomètres de reconnaissance harassante à travers les buissons : chaleur, café et, en temps utile, un camion pour nous amener jusqu’à Pembroke.
Il n’y a pas de péché sans conséquences, selon les mêmes autorités, mais aussi selon le jugement humain s’il est suffisamment perspicace. Ma surprise, quand je grandissais en âge, fut de découvrir combien de ces conséquences se réalisent ou commencent à se réaliser au sein de la vie terrestre. Mais la sanction n’est pas toujours discernée, pas plus que la faute, dansde trop nombreux cas.
Être pris et officiellement puni pour transgression est la meilleure de ces conséquences. Selon Socrate, c’est une bonne nouvelle, et chacun devrait être reconnaissant de recevoir une sanction (voir le Gorgias de Platon). C’était une position qui étonnait les plus jeunes de ses contemporains et qui, probablem en tétonne encore plus aujourd’hui : cet axiome résulte de la connaissance qu’il est toujours préférable de souffrir que de faire le mal.
Quand je lisais cela dans ma jeunesse, j’étais profondément impressionné, et surtout par la réponse de Socrate à Polus qui essayait de réfuter cette affirmation par une distinction astucieusement plausible entre la honte et le mal. Car j’étais tout à fait conscient de la différence entre le sentiment d’humiliation publique et le sentiment de véritable remords. L’un n’étant qu’une aide à l’autre et il me semblait que Socrate voyait clair.
Récemment je suis revenu sur ce dialogue et sur sa mystérieuse puissance ; avec quelle justesse il anticipe la révolution morale chrétienne qui était en marche. Aussi, avec quelle subtilité, ilévoque la « double vie » qui résulte de faire le mal tout enessayant d’éviter la honte. Et, de plus en plus, je suis heureux de ce rocher qui nous brise quand nous essayons de le contourner à la fois par la droite et la gauche.
David Warren est un précédent éditeur de « Idler magazine » et rédacteur dans le « Ottawa Citizen ». Il a une vaste expérience du Moyen et de l’Extrême Orient. Son blog « Essays in Idleness » peutêtre trouvé sur : http://davidwarrenonline.com/