C’est une première : une majorité, et plus précisément le parti du Président, serait en passe de faire adopter un texte qui irait à l’encontre de ce qu’Emmanuel Macron appelle sa « conviction intime ». Le chef de l’État a, en effet, de nouveau confié dans l’avion qui l’emmenait voir le pape François le 25 novembre qu’il s’appuyait sur l’avis de « tous les gynécologues » pour dire qu’à quatorze semaines de grossesse un avortement « était, dans ces délais-là, plus traumatisant ».
Mais le Président a aussi invoqué la séparation des pouvoirs pour reconnaître « la liberté des parlementaires ». Une forme de « en même temps » qui permet au gouvernement, par la voix d’Olivier Véran, le ministre de la Santé, d’inscrire la proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat, le 19 janvier. Même si les sénateurs devraient majoritairement voter contre, c’est cette inscription qui va permettre le retour définitif du texte à l’Assemblée avant la fin des travaux de cette législature, le 28 février. Les députés de la majorité devraient donc avoir le dernier mot sur le texte alors que tant d’autres sont en attente dans les tuyaux parlementaires…
Nouveau marqueur progressiste
Pourquoi une telle marche forcée ? L’aile gauche de La République en marche sait qu’elle dispose d’une ouverture favorable pour ajouter un nouveau marqueur progressiste au bilan d’Emmanuel Macron, comme le « mariage pour tous » le fut lors de la présidence de François Hollande. Or, en ce début de campagne présidentielle, le chef de l’État a besoin de voix venant de la gauche. L’occasion est donc trop belle non seulement de faire adopter définitivement l’allongement de l’IVG de 12 à 14 semaines, mais aussi de faire pression sur Emmanuel Macron pour lui rappeler l’agenda sociétal de son futur quinquennat s’il est réélu : la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté.
Bruno Retailleau, le chef de file des sénateurs LR, dénonce « l’obsession portée sur les questions sociétales de ce quinquennat ». « Nous serons fermes sur l’utilisation de la souffrance des femmes à des fins idéologiques. Nous rejetterons ce texte comme nous l’avons déjà rejeté. Pour qu’il soit adopté ensuite définitivement à l’Assemblée nationale il faudra le plein consentement du chef de l’État. Je dénonce l’hypocrisie d’Emmanuel Macron sur ce texte gravissime. »
Nicolas Tardy-Joubert, ancien conseiller de la région Île-de-France et président de la Marche pour la Vie se désole de ce qu’il considère comme un acharnement. « C’est du grand n’importe quoi. En octobre 2020 le texte avait été adopté une première fois, puis rejeté au Sénat. Il aurait dû finir aux oubliettes. Il a été validé in fine le 30 novembre par l’Assemblée nationale alors que seuls 21 % des députés étaient présents dans l’hémicycle ! Dans l’opposition, rares sont les courageux prêts à arrêter la culture de mort. Il nous faut des députés mieux formés et soutenus. »