Le verdict d’acquittement au procès Bonnemaison, au lendemain de la décision du Conseil d’État sur le cas Vincent Lambert, a suscité une effervescence médiatique, certainement favorable à l’esprit militant en faveur d’une évolution de la loi Leonetti. Même si le député Jean Leonetti conteste qu’il s’agisse d’euthanasie, d’un côté comme de l’autre, on constate une pression considérable en faveur d’une transgression de l’interdit de donner la mort. Comment interpréter les applaudissements indécents qui ont accompagné la lecture du verdict de Pau ? Le docteur Bonnemaison avait sans doute convaincu l’auditoire du palais de justice de ses bonnes intentions, mais s’ajoutait à sa cause personnelle cette pression qui pèse sur l’esprit public et se traduit dans des sondages massifs. Il est très difficile de faire entendre une opinion contraire, celle-ci se trouvant taxée illico de motivation religieuse, forcément rétrograde.
Sans doute ne faut-il pas se cacher la difficulté et parfois la complexité des situations. Il est souvent délicat de faire le partage entre ce qui relève des soins légitimes et ce qui relève de l’acharnement thérapeutique. Entre ce qui relève de l’acte de donner la mort et ce qui relève de l’arrêt des soins considérés dès lors comme déraisonnables. À ce propos, j’aurais presque envie de rendre hommage à mes collègues du Monde à l’égard desquels je suis souvent très critique. La façon dont ils ont rendu compte de la décision du Conseil d’État était assez remarquable de nuances et d’informations inédites. J’ai été, notamment, assez frappé par le portrait du médecin de Reims, Éric Kariger, qui est en charge de Vincent Lambert. Loin d’être un partisan de l’euthanasie, il a appartenu au Parti chrétien démocrate de Christine Boutin. Catholique pratiquant, il s’est mis en congé de sa formation politique. On comprend pourquoi. Le Monde ne l’exonère pas pour autant de toute maladresse et de toute erreur. Il est maintenant au centre d’un drame, en opposition avec ses propres amis. Accusé, par la mère de son patient, de vouloir tuer son fils, le voilà éprouvant le terrible passage de frontière.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 26 juin 2014.
Pour aller plus loin :
- La bataille de l'euthanasie
- Sur le général de Castelnau et le Nord Aveyron.
- Édouard de Castelnau
- Affaire Ulrich KOCH contre Allemagne : la Cour franchit une nouvelle étape dans la création d’un droit individuel au suicide assisté.
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies