L’italien Paolo Flores d’Arcais est un philosophe d’inspiration rationaliste, bien connu chez lui pour ses positions anti religieuses. Il y a une dizaine d’années, il cosignait un livre avec le cardinal Joseph Ratzinger à propos de la vérité, de la foi et de l’athéisme. Cet échange intéressant avec le futur Benoît XVI ne lui a pas fait changer d’attitude sur le fond, et il semble prendre grand plaisir à cibler les papes comme ses têtes de Turc, si j’ose l’expression. C’est le cas dans un article publié dans le dernier numéro de la revue Philosophie magazine, d’ailleurs centré sur la question religieuse et la tolérance. Flores d’Arcais en a surtout au pape François, dont il regrette « le rôle de seul leader global de l’Occident ». Ce qui provoque son courroux, ce sont les propos prononcés par le pape, dans l’avion de retour des Philippines. J’aimerais pouvoir donner une analyse exhaustive de cet article, mais je dois, hélas, me limiter à mettre en évidence l’hénaurmité du contresens qu’il énonce, pour transformer François en complice des djihadistes assassins.
Le pape avait, il est vrai, employé une expression assez franche, pour dire qu’on ne devait pas insulter son prochain : « Si un grand ami parle mal de ma mère, il faut s’attendre à un coup de poing, c’est normal. » Cela autorise-t-il M. d’Arcais à gloser d’une façon insensée : « Le poing de François se métamorphose aisément : ici, en revolver manié par un militant pro-life, là en une kalachnikov entre les mains d’un islamiste. (…) Cette logique obscurantiste laisse donc à la discrétion du fanatique la possibilité de choisir si le blasphémateur écopera d’un coup de poing, d’un millier de coups de fouets à l’instar du blogueur saoudien Raif Badawi, ou encore d’une rafale de balles… » Pardon, mais nous avons là un petit chef-d’œuvre de mauvaise foi, qui laisse planer un lourd soupçon sur la probité intellectuelle de son auteur. Celui-ci a tout simplement omis de mentionner que le pape avait condamné les attentats de Paris, en soulignant l’absurdité de prétendre tuer au nom de Dieu. Pourquoi cacher aussi que François avait rappelé le dévoiement du sentiment religieux en mentionnant la tuerie de la saint Barthélémy ? Comment engager un dialogue sérieux face à un tel interlocuteur ?
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 4 mars 2015.